Chapitre XIX. De la Péroraison. 

La Péroraison est composée de quatre choses, puisqu’il est nécessaire,

De se mettre bien dans l’esprit des Juges, et y mettre mal sa Partie;

D’agrandir et de diminuer les raisons alléguées de part et d’autre;

D’émouvoir les Juges et les porter à quelque passion;

Et enfin de les faire ressouvenir de ce qu’on a dit.

[...]

Tellement qu’alors il ne reste plus Que de faire une Récapitulation et toucher sommairement les raisons qu’on a apportées afin d’en rafraîchir la mémoire, ce qui se fera de la manière que quelques-uns l’enseignent pour l’Exorde, quoique ce ne soit point là le lieu. Je sais bien qu’ils disent Que c’est afin que le Juge soit plus instruit de l’affaire qu’ils recommandent de la rebattre souvent: mais cette raison-là ne vaut rien, puisque si l’Orateur au commencement est obligé d’exposer le Fait, c’est simplement afin que le Juge n’ignore pas de quoi il s’agit, ni sur [p. 489] quelles matières il a à prononcer. Il n’en va pas de même ici, où la Récapitulation n’est nécessaire que pour soulager la mémoire du Juge et lui faire voir en abrégé ce qui a été prouvé fort au long. Au reste le commencement d’une Récapitulation se pourra faire de cette sorte;

Que jusqu’ici l’on pense s’être acquité de sa promesse, et là-dessus il faudra faire savoir Qu’on a dit telle et telle chose pour telle et telle raison.

Cela se pourra faire encore autrement, qui est de comparer ce qu’on a dit avec ce qu’a dit l’Adverse Partie. Ce qui se fait en deux façons, Ou en prenant toutes les choses qui ont été dites pour et contre et les opposant; ou sans les opposer, de dire tout naturellement,

L’Adverse Partie donc, Messieurs, a dit telle et telle chose touchant cela; et moi j’ai dit cela pour telle et telle raison.

On peut même se servir d’Ironie, et dire en raillant,

Certainement, Messieurs, on ne saurait nier que la Partie Adverse n’ait très bien prouvé ce qu’elle a dit, lorsqu’elle a apporté telle et telle chose pour ses raisons; pour moi, je n’ai dit que cela et cela simplement.

Ou bien encore de cette manière:

Et je vous prie, Messieurs, que ne ferait point à présent la Partie Adverse si elle avait montré telle et telle chose, et non pas cela et cela comme elle a fait?

On pourra aussi user d’interrogation.

Or Messieurs que n’ai-je point fait voir, et quelles preuves pourrait-on ajouter à celles que j’ai apportées?

Ou bien en parlant de sa Partie, [p. 490]

Or, Messieurs, qu’a-t-il fait voir dans tout ce qu’il a dit?

La Récapitulation donc se peut faire en deux façons, ou de la sorte que nous venons de remarquer, rapportant ce qui a été dit pour et contre et l’opposant l’un à l’autre; ou bien encore plus naturellement et sans rien changer à l’ordre, De répéter chaque raison comme elle a été dite, premièrement ses propres raisons, et ensuite à part, si l’on veut, celles de l’Adversaire.