Bernard Lamy, 1712 : La Rhétorique ou l'Art de parler

Définition publiée par RARE

Bernard Lamy, La Rhétorique ou l’Art de parler (5ème éd., 1712), éd. Ch. Noille-Clauzade (1998), Paris, Florentin Delaulne, 1715, p. 370-372 ; p. 423-424.

p. 370-372

On peut regarder une chose par cent endroits différents ; cependant il a plu aux auteurs de la topique de n'établir que seize lieux communs.

[...]

Il est très important de considérer toutes les circonstances de la matière proposée. Or, ces circonstances ont ou précédé, ou accompagné, ou suivi la chose dont il est question : ainsi ces circonstances sont distribuées en trois lieux, qui sont le douzième, le treizième, et le quatorzième lieu. Toutes les circonstances qui peuvent accompagner une action, sont comprises dans ce vers latin

Quis, quid, ubi, quibus auxiliis, cur, quomodo, quando

C'est-à-dire, qu'il faut examiner quel est l'auteur de l'action ; quelle est cette action ; où elle s'est faite ; par quels moyens, pourquoi, comment, quand.

p. 423-424

L'orateur doit faire choix des circonstances de l'action qu'il propose. Il ne doit pas s'arrêter à toutes également. Il y en a qu'il faut passer sous silence, ou ne dire qu'en passant, et s'il est obligé de rapporter quelque circonstance odieuse, qui puisse faire paraître criminelle l'action qu'il défend, il ne doit pas passer outre sans avoir remédier au mal que ce récit pourrait faire, ni laisser l'auditeur dans la mauvaise opinion qu'il aura pu concevoir. Il faut apporter quelque raison, ou quelque circonstance qui change la face de la première, et lui en fasse prendre une moins odieuse. Vous êtes obligé de dire que c'est celui que vous défendez qui a tué ; comme vous ne parlez que pour un homme innocent, en même temps vous devez rapporter les justes causes de l'action, et faire voir que celui qui en a été l'auteur, ne l'a faite que par malheur, par hasard, sans dessein, prévenant l'esprit des juges, et faisant précéder toutes les raisons, toutes les occasions, toutes les circonstances qui peuvent justifier cette action, et faire voir qu'elle n'a que l'apparence du crime, et qu'en effet elle est juste Non seulement cet artifice n'est pas défendu, mais ce serait une faute de ne s'en pas servir. L'on doit craindre de rendre la vérité odieuse par son imprudence. Ç'en serait une bien grande que de dire les choses d'une manière dure, et de donner occasion à ceux qui écoutent, de faire un jugement téméraire. Les hommes jugent d'abord et suivent leurs premiers jugements ; ainsi il est important de les prévenir.