BRACHILOGIA / BRACHILOGIE - BRIÈVETÉ
Pour ce qui est de la bréveté qu’il faut garder dans les choses & dans les paroles.
Il y a cinq regles importantes à observer.
La premiere est de commencer seulement par l’endroit necessaire à l’éclaircissement de la cause, sans aller plus loin, ny remonter plus haut.
La seconde est de raconter les choses en gros, & non pas en détail, en mélant des circonstances inutiles à l’intelligence du sujet, & à l’établissement de la question, & souvent il suffit que ce qu’on dit, serve seulement à faire voir qu’une chose a esté faite, sans qu’on soit obligé de faire voir la manière dont elle a esté faite.
Il faut neantmoins remarquer comme une exception, qu’il doit y avoir certaines parties dans une Narration : Car qui diroit par exemple que Clodius a dressé des embusches à Milon, & que celuy-là a esté tué par celuy-cy ; il rapporteroit plûtost une nouvelle qu’il ne feroit une Narration. Il faut donc qu’une veritable Narration contienne le commencement de la chose, le milieu & la fin.
La troisiéme est de ne pas s’étendre au-delà du necessaire à faire connoistre ce qui est en question, & de ne pas sortir du sujet.
La quatriéme consiste à exposer les choses de telle forte, que ce qu’on dit puisse faire connoistre quantité d’autres choses qui ont accoûtumé de préceder ou de suivre, comme quand on dit : J’ay un fils de qui je reçois beaucoup de satisfaction : car par là on entend assez, sans qu’on le dise, qu’ayant eu dessein d’avoir lignée, il s’est marié : qu’il a eu un fils, qu’il l’a fait élever & instruire par de bons & excellens Maistres.
La cinquiéme est de ranger les choses dans un bons ordre ; car le mauvais ordre n’engendre pas seulement l’obscurité, mais la langueur qui lasse l’esprit & le degoûte, à cause des repetitions qu’on est obligé de faire.
La bréverté des paroles n’est pas moins considerable ; elle contribuë beaucoup à l’elegance, & mesme elle rend les expressions plus fortes.
EXEMPLE
Enée par ces mois mélez de pleurs, tâchoit d’adoucir l’esprit de Didon, qu’il voyoit brûler de colere, & le regarder de travers ;
& non pas,
Enée faisoit tous ses efforts par les larmes & par les prieres pour appaiser l’esprit de Didon, & cette Reyne infortunée luy témoigna par ces regards que toutes ces satisfactions ne luy estoient point agreables.