ENTHYMEMA / ENTHYMÈME
L’enthymeme est un veritable syllogisme dans l’esprit, parce qu’il supplée la proposition qui n’est pas exprimée, mais il est imparfait dans l’expression, & ne conclut qu’en vertu de la proposition sous entendue.
EXEMPLE
Je t’ay pû conserver, je te pourray donc perdre.
Comme la varieté qui se trouve dans les Argumens contribüe beaucoup à rendre le discours eloquent, lors qu’on est obligé d’employer plusieurs Enthymemes toute d’une suite, il faut supprimer à l’un la majeure, à l’autre la mineur, & mettre la raison tantost devant & tantost apres.
Voicy donc un Enthymeme composé de la raison, puis de l’intention, pris de Ciceron pour Milon.
Que si les Loix des douze Tables ont voulu qu’on tuast impunément un voleur de nuit, de quelque façon qu’on le tuë, & un voleur de nuit s’il se defend avec des armes: Qui estimera qu’on doive toûjours punir celuy qui a tué quelqu’un ?
Quelquefois mesme on met la raison au lieu de la conclusion.
Puisque l’on voit si clairement que les Loix mesmes nous mettent quelquesfois l’épée à la main, afin de tüer les hommes.
Ciceron mesme se sert d’un syllogisme pour diversifier ; mais vétu d’un autre habot que de celuy des Ecoles.
Comment y auroit-il de l’injustice à tuer celuy qui nous dresse des embusches, & attente à nostre vie ? Pourquoy avons-nous des épées ? il ne nous seroit pas permis d’en avoir, s’il ne nous estoit pas permis de nous en servir.
Il y a de veritables Enthymemes, lesquels considerez avec tout le raisonnement, n’en font que la conclusion. Ceux qui sont composez de contraires sont les meilleurs, parce qu’ils frapent l’esprit plus vivement.
Vous estes donc assis en ce lieu pour vanger la mort d’un homme à qui vous ne voudriez pas rendre la vie si vous en aviez la puissance.
Et contre Quintus Cecilius.
Verres n’entendra donc pas parler dans le Jugement de la cause d’une chose qu’il ignoroit pouvoir defendre, lors qu’il la faisoit.
Bien souvent cette sorte de conclusion se reïtere, ce qui s’appelle Epenthymeme, colle pour le mesme Milon.
Et l’on a fait une sorte de Loy pour la mort d’un personnage pour qui l’on n’eust pas fait cette Loy, s’il eust pû revivre apres cette Loy.
Et dans la cinquiéme Philipique.
Pourrons-nous donc apprehender la temerité de celuy sont nous admirons la prudence.
Puis suit l’Epenthymeme.
Et peut-on s’imaginer rien qui approche davantage de la folie, que de préférer la veritable gloire à une puissance inutile.