Le Gras, 1671 : La Rhetorique Françoise ou les preceptes de l'ancienne et vraye eloquence accomodez à l'usage des conversations & de la Societé civile : Du Barreau : Et de la Chaire

Définition publiée par VERNET Thibault

Le Gras, La Rhetorique Françoise ou les preceptes de l'ancienne et vraye eloquence accomodez à l'usage des conversations & de la Societé civile : Du Barreau : Et de la Chaire, Paris, A. de Rafflé, 1671, Troisième partie de la Rethorique, « De l'Elocution », chap. I, « De l'arrangement des Paroles », p. 177-179.

 

De l’arrangement des Paroles.

    Pour ce qui est de l’arrangement des paroles, celuy qui est bon contribuë beaucoup à la clarté, au lieu que celuy qui est mauvais produit l’obscurité.
    Il faut premierement montrer comment le bon arrangement se fait ; & ensuite comment il faut corriger celuy qui est mauvais.

Du bon arrangement.

    Le bon arrangement se fait d’ordinaire en commençant par les Nominatif du Verbe, continuant par le Verbe, & ensuite par l’infinitif, ou par le nom qui suit l’action du Verbe.
    Cette regle semble d’abord peu considerable & tres facile à mettre en pratique ; & neantmoins elle est difficile, à cause que nos Ancestres suivoïent ordinairement dans leurs expressions l’arrangement de la Langue Latine, dont le Genie est bien differend de la nôtre, estant par exemple une beauté dans la Langue Latine, Que le Verbe soit mis à la fin, au lieu que dans la nostre c’est une laideur qui rend l’expression obscure.
    Car les expressons de nostre Langue veulent estre rangées dans un ordre tout naturel ; elles aiment mieux les Noms & les Verbes que les Prépositions & les Adverbes ; ce qui se peut reconnaitre par cet exemple.
    Il n’y a point de vraye liberté, ny de joye solide, que celle que nous donne la crainte de Dieu, & la paix d’une bonne conscience ;
    & non pas.
    Il n’y a point de vraye liberté, ny de bonne joye qu’en la crainte de Dieu avec une bonne conscience.
    Quand il y a plusieurs Noms ou plusieurs Verbes dans une mesme Periode, il faut toûjours les ranger selon l’ordre des temps que les choses arrivent. On évite par ce moyen une repetition superfluë.



E X E M P L E.

    Mais comme il arrive souvent que celuy qui a passé par les mains d’un mauvais medecin, apprehende de se confier à un bon.
    & non pas ;
    Mais comme il arrive souvent qu’un malade apprehende de se mettre entre les mains d’un bon Medecin, apres estre tombé entre les mains de quelque mauvais.
    Il y a une autre sorte d’ordre & disposition qu’il faut garder en écrivant, qui est de mettre toûjours à la fin du membre d’une periode les mots qui marquent l’action du Verbe, & de mettre entre le Verbe & son action les autres mots ou le sujet, ou la cause, ou la manière ou l’instrument de l’action.