DE LA LICENCE.

Cette figure consiste á reprendre hardiment ceux à qui l’on doit quelque respect.

Exemple.

N’ont-ils pas raison de mépriser vos promesses; les exemples passez ne doivent-ils pas estre des leçons presentes? Quelles ont esté les recompenses de ceux qui vous ont servy? N’avez-vous pas negligé leur délivrance; les galeres, les grands chemins, & les carrefours, n’ont-ils pas esté leurs derniers rendez-vous.

Autre exemple.

Que n’envoyez-vous au gibet ce méchant homme; N’est il pas convaincu? Ses crimes ne sont-il pas horribles?Vous me direz, peut-estre, que ses protecteurs sont puissans, & que son execution est difficile; J’advoüe qu’il a de bons parens, & de bons amis: mais outre que vous estes les dépositaires de la justice, & que vos remises ne sont pas moins honteuses à vostre vertu qu’à vostre dignité, qu’on s’estonne, qu’on se plaint, qu’on demande hautement, ou la teste du criminel, ou l’interdiction des juges; Ne sçavez-vous pas que le peuple a en execration celuy que vous refusez à l’interest public? Qu’il est prest à prendre les armes, & que quand mesme il ne seroit, ny pour le coupable, ny pour l’accusateur, la place d’un Palais, peut estre le lieu d’une execution? Que le courage ( Messieurs ) que vous avez cent fois fait paroistre détruise vostre retenüe; Qu’il ne soit plus dit (de grace) que vous estes interessez, que vous estes avares, & que quelque mine que vous fassiez, vous apprehendez plus la diminution de vos fortunes, que le mépris de vos Arrests.

La licence estoit autresfois une des figures du bareau, elle est à present une des figures de la chaire; Les anciens Advocats n’en usoient que quand le défaut qu’ils reprenoient estoit honteux au Magistrat, & nuisible au public: Les Predicateurs ne s’en servent que quand les vices qu’ils reprennent, convainquent ceux qui les contractent, d’un aveuglement estrange, & supposent en ceux qui les flattent, une Theologie pernicieuse: Les premiers adoucissoient quelquesfois par la loüange ce qu’ils avoient aigry par l’invective, les autres ne meslent jamais le doux avec l’aigre.