Étienne Dubois de Bretteville, 1689 : L’Éloquence de la chaire et du barreau

Définition publiée par Kayirici

Étienne Dubois de Bretteville, L’Éloquence de la chaire et du barreau selon les principes les plus solides de la rhétorique sacrée et profane, Paris, Denys Thierry, 1689, p.209-211

De L'Apostrophe

L’Apostrophe est une Figure par laquelle on coupe tout à coup son discours, pour l’adresser, ou bien à quelque personne presente ou absente, vivante ou morte, ou bien à quelques creatures animées ou inanimées.

Comme il n’y a rien de si aisé que de crier, cette Figure paroît fort aissé ; & c’est ce qui fait que la plûpart des jeunes Orateurs remplissent leurs discours d’Apostrophes, pour avoir occasion de crier & de s’echauffer ; mais au fond cette Figure est extrémement difficile à bien ménager ; & rien n’est de moins aisé que de se mettre en colere avec esprit.

Une des plus grandes adresses de l’Orateur, est d’employer à propos ces mouvemens pathetiques & extraordinaires ; il en faut peu dans un discours ; l’on doit y avoir disposé le cœur des Auditeurs peu à peu par des mouvemens plus doux. Quand on l’a attiré insensiblement, on s’en rend le maître tout d’un coup.Il en est de ces tours vehemens de l’Eloquence, comme d’une attaque generale de quelque Place ; on dispose tout, on avance tout doucement, on prend son temps, on surprend le cœur par son foible ; & sans luy donner le temps de se reconnoître, on l’enleve.