GESTUS / GESTE
Du Geste
Le Geste a un effet merveilleux pour donner de la force aux expressions de la Voix : C’est pourquoy Pline le Jeune, parlant des Oraisons que ceux de son temps recitoient devant leurs amis, dit que cette lecture n’étant point accompagnée du Geste, rendoit languissante l’attention des Auditeurs. Afin que ce langage muet des mains, des yeux, du visage, de la tête, & de tout le corps, fasse une puissante impression sur l’esprit, & touche vivement le cœur, il faut que, comme la voix, il ait du rapport avec le Sujet, les Passions, & les Figures du Discours.
Le Geste ne doit point paroître affecté ny trop étudié, mais naturel & conforme aux choses que l’on exprime. Il doit être bienséant, sans frapper des mains & des piés, sans contrefaire le visage, sans se démonter tout le corps par des contorsions ridicules. Il faut qu’il soit noble & grave, sans s’amuser avec le mouchoir ou les glands du Surplis, ou à quelques autres manieres indignes de la Chaire. Il faut enfin qu’il soit moderé ; car toutes ces agitations violentes & tous ces efforts que l’on peut faire pour s’échaufer par artifice, offensent les yeux de l’Auditeur ; & bien loin de l’animer, le rendent froid comme glace.
Pour regler le Geste, on se sert quelquefois d’un grand Miroir, où l’on voit la disposition du corps, & tous ses mouvemes. On employe aussi quelque Maître, ou quelque Amy qui soit capable de rendre ce bon office, & qui puisse juger de la bonté & de la bien-séance du Geste : mais le moyen le plus utile & le plus efficace est d’imiter un excellent Modele, un Orateur qui soit estimé pour cette partie de l’Eloquence ; tel qu’étoit autrefois le celebre Hortensius, que les deux plus fameux Comediens de son temps Esopus & Roscius, alloient toûjours voir plaider, pour étudier ses beaux gestes, & pratiquer sur le Theatre ce qu’ils avoient appris de luy au Barreau.