Joseph de Jouvancy, 1710 : Candidatus rhetoricae

Définition publiée par Mattana-Basset

Joseph de Jouvancy, L’Élève de rhétorique (Candidatus rhetoricae, 1e éd. 1710, 1e trad. 1892), édité par les équipes RARE et STIH sous la direction de D. Denis et Fr. Goyet, Paris, Classiques Garnier, 2019, troisième partie, "De l'élocution", chap. II, "Des figures", art. II, "Des Figures de Pensées", "L'Apostrophe", p. 184-187. 

Définition publiée par RARE, le 01 juin 2020

L’Apostrophe a lieu quand, laissant un moment les auditeurs, on adresse la parole à un absent ou à quelqu’un de présent, soit en vie, soit mort, ou même à des êtres inanimés que nous interpellons comme s’ils étaient des personnes vivantes. < L’apostrophe peut être illustrée par ces exemples, tirés de Cicéron.

« Je vous atteste ici, collines sacrées des Albains, autels associés au même culte que les nôtres, et non moins anciens que les autels du peuple romain ; vous qu’il avait renversés ; vous dont sa fureur sacrilège avait abattu et détruit les bois, afin de vous écraser sous le poids de ses folles constructions : alors vos dieux ont signalé leur pouvoir ; alors votre majesté, outragée par tous ses crimes, s’est manifestée avec éclat. Et toi, dieu tutélaire du Latium, grand Jupiter, toi dont il avait profané les lacs, les bois et le territoire par des abominations et des attentats de toute espèce, ta patience s’est enfin lassée. » Cicéron, Pour Milon, § 85.

« Grands dieux ! daignez m’entendre. Est-il bien vrai que P. Clodius s’intéresse à votre culte, qu’il redoute votre puissance. Ici même, ne se joue-t-il pas de l’autorité imposante de nos juges ? » Cicéron, Sur sa maison, § 104. >

C’est ainsi que dans son discours pour Milon < § 101 >, Cicéron donne cet exemple de l’apostrophe : « C’est vous, vous que j’appelle, hommes très courageux, qui avez versé votre sang pour la République ; c’est vous que j’appelle au secours d’un homme et d’un citoyen qui n’a jamais été vaincu, vous centurions, soldats, permettrez-vous qu’en votre présence, alors que vous êtes armés, et que vous présidez à ce jugement, un si grand citoyen parce qu’il a été vaincu soit chassé, banni de cette ville ».

< « Le nouveau-né, Seigneur des Rois, repose dans une étable, il est allongé nu en plein hiver, le fils de la Vierge, dans un antre ouvert aux vents et à la neige, et le Dieu enfant tremble de tout son corps. Ah, vents ! Si vous avez quelque sentiment, si vous avez quelque piété, cessez d’être aussi rigoureux. Ah ! retenez vos souffles froids, retenez les aquilons sauvages. Ah ! je vous en supplie, soufflez sur d’autres régions, vents violents », etc.

« Malheureux que je suis, j’ai offensé la puissance de la majesté suprême ; impudent que je suis, j’ai méprisé les commandements divins de l’esprit éternel, et, par le pire sacrilège, j’ai violé les lois les plus saintes. Ô, scélérat, insensé, impie que je suis ! Ô mes yeux, répandez des larmes abondantes, si grande est la douleur engendrée par ces forfaits, et lavez, si vous le pouvez, par des pleurs continus et amers l’ordure des crimes dont vous avez si souvent, hélas ! guidé et éclairé l’accomplissement. » >