Joseph de Jouvancy, 1710 : Candidatus rhetoricae

Définition publiée par Mattana-Basset

Joseph de Jouvancy, L’Élève de rhétorique (Candidatus rhetoricae, 1e éd. 1710, 1e trad. 1892), édité par les équipes RARE et STIH sous la direction de D. Denis et Fr. Goyet, Paris, Classiques Garnier, 2019, première partie, "Comprenant les premiers éléments de rhétorique relatifs à l'invention", chap. VII, "Des lieux intrinsèques", "De la Ressemblance et de la Dissemblance", p. 74-77 et chap. IX, "Exemples des lieux intrinsèques", art. IV, "Exemples des lieux du Semblable et du Dissemblable", p. 96-101 et cinquième partie, "Exercices préparatoires < d'Aphthonius >", "Deuxième exercice préparatoire, De la chrie", chap. II, "Parties dont se compose la chrie", "Semblable", p. 290-291. 

 

Définition publiée par RARE, le 04 juin 2020

Qu’est-ce que la Ressemblance ? R. C’est un argument tiré d’un sujet semblable à celui qu’on traite. 

< Donnez un exemple. R. > Les méchants ne sont pas sensibles aux douceurs de la vertu, ils ressemblent aux malades qui ne sentent pas le goût des aliments. Autre exemple : Les bienfaits ressemblent aux fleurs, ils ne plaisent qu’au moment où on les reçoit.

 

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ARTICLE 

Exemples des lieux du Semblable et du Dissemblable

 

< Quatrième Philippique, § 11 : « Je ferai donc, dit Cicéron, ce que, leur armée rangée en bataille, font ordinairement les généraux », etc. Dans le Pour Roscius d’Amérie il compare les accusateurs à des oies, § 56. Dans l’Interrogatoire de Vatinius, § 4, à un serpent : « soudain, dit-il, tu t’es élancé comme un serpent de son repaire, les yeux flamboyants, le cou gonflé, les muscles tendus. » Dans la première Catilinaire§ 31, la république secouée par la conjuration de Catilina à un malade dévoré par la fièvre. Lucius Sylla à Jupiter, dans le Pour Roscius d’Amérie, § 131 : « Le maître des dieux, Jupiter lui-même, » etc. Ceux qui parlent comme avocats et les comédiens qui parlent sur la scène dans le Contre Caecilius, § 48 : « de même que parmi nos acteurs grecs », etc. Verrès lui-même aux pirates, livre IV, § 21 : « Tu as fait ce que font les pirates », etc. Il fait retomber la cause de la guerre civile sur Antoine dans la deuxième Philippique, § 55 : « Comme dans la semence est le principe des arbres et des plantes, de même », etc. Voir aussi le Pour Sestius, § 24 : « Qu’est-il arrivé, juges ? Une épée dans la main d’un enfant », etc. Dans le Pour Roscius le comédien, il dresse une très belle comparaison entre des associés et des héritiers, § 55. >

C’est par le semblable que vous montrerez l’utilité d’une bonne éducation. Ainsi, vous avez vu quelquefois un cheval indompté, fougueux, insensible au mors, au fouet, aux éperons ; il bronche, il regimbe, < méchamment craintif, et résistant > il secoue durement son cavalier, il le jette souvent à terre ; donnez-le à dresser à un habile écuyer, qui sache lui faire endurer le mors, qui peu à peu adoucisse sa bouche dure et rebelle, qui le fasse marcher en mesure d’après de bons principes, etc., vous aurez bientôt un cheval docile qui ira à droite, à gauche, au pas, au petit trot, au galop, au gré du cavalier, etc. De même, une jeunesse fougueuse sera domptée par une bonne éducation et grâce à un maître sage qui la dirigera dans la voie de la raison et de la modestie.

À ce lieu se rattache l’Exemple, qui n’est que la ressemblance d’une chose avec une autre. Si la chose a eu lieu, on l’appelle Parabole ; si elle est fabuleuse, on l’appelle Apologue.

On appelle Induction l’accumulation [coacervatio] d’exemples ou de choses semblables. < Cicéron, dans le Pour Balbus, fait l’éloge du geste de Pompée, d’avoir donné le titre de citoyen à Balbus, par de nombreux exemples accumulés, § 51 : « un acte de Cn. Pompée, qui n’a fait que ce qu’il savait avoir été fait par C. Marius, par P. Crassus, par L. Sylla », etc. 

Vous avez un remarquable exemple d’induction chez Martial, livre 1, épigramme 46 dans l’édition toute récente et expurgée. >

On fait un grand éloge de l’induction où saint Augustin s’emporte contre le méchant : « Tu veux, dit-il, que la terre soit fertile, que les moissons soient abondantes, que les arbres portent des fruits, que ton cheval, tes serviteurs soient bons, tu veux un bon ami, un bon fils, un bon vêtement ; il n’y a que ton âme que tu veuilles mauvaise. Pourquoi te faire la guerre à toi-même ? Pourquoi être ton ennemi ? Il n’y a que toi seul à qui tu veuilles du mal. »

Quelquefois le semblable se prête à la fiction. < « Si », dit Cicéron dans le Pour Sestius § 45, « j’avais traversé les mers avec mes amis, et que les pirates », etc. Quatrième Catilinaire, § 12 : « En effet, je vous le demande, si un père de famille », etc. >

C’est par induction que saint Grégoire, dans la XVhomélie sur les évangiles, montre les avantages de la patience. « De même, dit-il, que le raisin foulé par les vendangeurs coule en belle et délicieuse liqueur que nous appelons vin, de même que l’olive broyée par le pressoir abandonne son amertume et devient une huile grasse et fortifiante, de même que le feu enlève au fer sa rouille, que le fléau, battant les gerbes de blé, sépare la paille du froment, de même tous ceux qui veulent vaincre leurs passions doivent consentir à expier par des malheurs les péchés qu’ils ont commis, de manière à arriver au jugement dernier avec d’autant plus de sécurité, qu’ils y apporteront une âme purgée de toute souillure criminelle. »

D’après ce que nous avons dit des semblables, on voit facilement comment on doit traiter les dissemblables. Cicéron, dans la XPhilippique < § 20 > dit que les autres villes peuvent souffrir la servitude, mais qu’il n’en est pas de même de Rome, parce qu’elle ne leur ressemble pas, et il le prouve. 

< Il nous enseigne la distinction à faire entre jugement et arbitrage dans le Pour Roscius le comédien § 10. Il explique en quoi son retour à Rome diffère du retour d’autres très grands hommes, dans le discours Au peuple après son retour § 6 : « P. Popillius dut son retour, etc. ; Q. Metellus eut pour intercesseurs », etc. Il développe le même argument dans le Pour Sestius, § 37 : « Quelle différence entre ma situation et celle de Q. Metellus ! », etc. Il compare ou met en parallèle jurisconsulte et chef de guerre dans le Pour Muréna, § 22, et soutient que le second est différent du premier, et lui est bien supérieur, au moyen d’incises, d’antithèses, etc. : « Le jurisconsulte se lève avant le jour pour répondre à ses clients ; le guerrier, pour arriver, etc. Vous disposez les pièces d’un procès, lui range ses troupes », etc. > Dans le IVdiscours Contre Verrès < § 77 >, il oppose aux larcins et aux sacrilèges de Verrès la munificence et la piété de son prédécesseur. < Dans le Contre Pison il s’attache à décrire, avec élégance et grandeur, combien différent fut son propre retour de celui de Pison. >

Imitez Cicéron [summi Oratoris] dans ses arguments tirés des semblables et des dissemblables. Montrez, par exemple, combien est différent le bonheur de l’homme de bien et le bonheur du méchant, quels que soient les richesses et les plaisirs dont il jouit. < Employez les mêmes figures et brillants que vous verrez utilisés par Cicéron. Opposez de la même manière les disciplines excellentes aux autres, et prouvez que les premières sont supérieures, en suivant la voie tracée par Cicéron dans son Pour Muréna. >

 

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Que signifie le mot Semblable ? 

Il nous apprend qu’il faut orner une pensée de quelques ressemblances. Ainsi : De même que les sujets sont les humbles serviteurs du roi, et qu’ils dépendent tous de lui, de même tout obéit à l’argent.