DESCRIPTIO / DESCRIPTION
6° La démonstration ou description (***) rassemble quelquefois toutes les espèces d’hypotyposes, l’extérieur, les sentiments, les lieux, etc. Voyez la tempête du premier livre de l’Éneide, la prise de Troie au second livre, et tant d’autres tableaux qui nous mettent sous les yeux la chose même. Cicéron, jeune encore, et voulant, pour s’exercer au style oratoire, donner un exemple de cette figure, décrit ainsi la mort de Tib. Gracchus (Rhetor. ad Herenn., IV, 55) : « Dès qu’il voit que le peuple chancèle et semble craindre que l’autorité du sénat ne change les projets de son tribun, il convoque l’assemblée publique. Cependant un citoyen pervers, tout rempli de pensées funestes et criminelles, s’élance du temple de Jupiter, le visage trempé de sueur, l’oeil en feu, les cheveux hérissés, et la toge relevée au-dessus du genou, afin [p. 259] de marcher plus vite avec ses complices. Le crieur ordonne qu’on écoute Gracchus: son ennemi, pressant du pied un des siéges, le brise, et commande aux autres d’en faire autant. Au moment où Gracchus commence la prière aux dieux, on se précipite impétueusement sur lui; de toutes parts on vole, on s’assemble; et un homme du peuple s’écrie: Fuis, Tibérius, fuis! ne vois-tu pas qu’on va te massacrer? regarde! Alors la multitude inconstante, saisie d’une terreur soudaine, prend la fuite. L’assassin, écumant de rage, respirant le crime, et n’ayant plus de sentiment que pour la cruauté, roidit son bras; et tandis que Gracchus doute encore, mais ne recule pas, il le frappe à la tempe. Gracchus, sans flétrir sa vertu par une seule plainte, tombe en silence. Le meurtrier, arrosé du sang d’un bon citoyen, s’avance la tête haute comme s’il eût fait une belle action, présente gaiement sa main sacrilége à ceux qui se réjouissent avec lui, et retourne au temple de Jupiter .»