Joseph de Jouvancy, 1710 : Candidatus rhetoricae

Définition publiée par Mattana-Basset

Joseph de Jouvancy, L’Élève de rhétorique (Candidatus rhetoricae, 1e éd. 1710, 1e trad. 1892), édité par les équipes RARE et STIH sous la direction de D. Denis et Fr. Goyet, Paris, Classiques Garnier, 2019, première partie, "Comprenant les premiers éléments de rhétorique relatifs à l'invention", chap. VI, "Des lieux oratoires", p. 70-71 et deuxième partie, "< De la deuxième partie de l'éloquence ou > de la disposition du discours", chap. II, "De la confirmation", p. 124-125 et chap. III, "Des différentes espèces d'argumentation", p. 124-129. 

Définition publiée par RARE, le 04 juin 2020

Qu’est-ce que l’argumentation ? R. C’est l’explication et le développement d’un argument.

[...]

Qu’est ce que l’argumentation ? R. C’est l’explication < étendue et > ingénieuse d’un argument.

Combien y a-t-il d’espèces d’argumentation ? R. Quatre : le syllogisme, l’enthymème, le sorite et le dilemme.

D’où tire-t-on < la matière de > ces quatre espèces d’argumentation ? R. Des lieux de rhétorique, en prenant comme sujets d’argumentation des choses certaines ou probables [probabiles].

Quelles sont les choses qui passent pour certaines, dont on ne peut douter ? R. 1° Celles dont nos sens nous donnent connaissance ; 2° Celles que tout le monde regarde comme certaines ; 3° Celles que les lois et la morale proclament comme vraies et certaines ; 4° Celles que nos adversaires admettent, et qui ont été déjà prouvées [jam probatae].

Quelles sont les choses regardées comme probables [probabiles] ? R. Celles qui se produisent presque toujours de même : ainsi, les parents aiment leurs enfants. On regarde encore comme probable ce qui a une apparence de vérité.

 

CHAPITRE 3

DES DIFFÉRENTES ESPÈCES D’ARGUMENTATION

 

Le Syllogisme [Ratiocinatio]

 

Qu’est-ce que le Syllogisme ? R. C’est l’argumentation la plus exacte dont toutes les parties sont parfaitement coordonnées et liées entre elles.

De quoi se compose le syllogisme ? R. De trois parties < principalement > : de la proposition ou majeure, de la mineure et de la conclusion. Exemple : 

Il faut éviter toute espèce de vice (proposition ou majeure). 

Or la paresse est un vice (mineure). 

Donc il faut éviter la paresse (conclusion).

Si l’on ajoute une preuve à la proposition, et si à la mineure on ajoute pareillement la confirmation de ce qu’elle énonce, on aura un raisonnement syllogistique composé de cinq parties. 

< Donnez un exemple. R. > Il faut éviter toute espèce de vice (proposition), parce que le vice est honteux et pernicieux (voilà la preuve de la proposition) ; or la paresse est un vice (mineure), elle est contraire à la raison, elle est cause de malheurs innombrables (voilà la preuve de la mineure) ; il faut donc éviter la paresse (conclusion).

Doit-on toujours suivre l’ordre syllogistique ? R. Non : pour éviter la fatigue et l’ennui, on peut varier le syllogisme de plusieurs manières ; on commence tantôt par la mineure, tantôt par la conclusion.

 

L’Enthymème

 

Qu’est-ce que l’Enthymème ? R. C’est < une partie de syllogisme, ou si l’on préfère > un syllogisme incomplet. 

< Comment fait-on un enthymème ? R. > On supprime un des deux termes, soit la majeure, soit la mineure. Ainsi : La paresse est un vice, il faut donc l’éviter ; ou bien : Il faut éviter toute espèce de vice, il faut donc éviter la paresse.

L’Induction est une sorte d’enthymème, où, de l’observation de beaucoup de choses semblables, on tire une conclusion. Ce grand nombre de choses observées n’est autre chose que le lieu des antécédents, et la conclusion tirée de ce grand nombre d’observations n’est autre chose que le lieu des conséquents. Nous en avons parlé précédemment < au chapitre 9, article 4 >.

De combien de manières se fait l’induction ? R. De deux : 1° en énumérant toutes les parties que renferme un genre. Exemple : la prudence, la justice, le courage, la tempérance sont des vertus et elles sont louables, par conséquent toute vertu est louable.

L’induction ne se fait-elle pas d’une autre manière ? R. En réunissant plusieurs comparaisons qui peuvent s’appliquer à une chose. Ainsi : Quel est le meilleur fruit ? n’est-ce pas le plus savoureux ? Quel est le premier des astres ? n’est-ce pas le plus brillant ? Quel est le cheval le meilleur ? n’est-ce pas le plus rapide ? De même : Quel est l’homme qui a le plus de mérite ? c’est celui qui l’emporte non par son illustre naissance, mais par ses vertus.

À quoi faut-il faire attention dans l’induction ? R. < Il faut veiller scrupuleusement > 1° À ne citer que des choses absolument certaines ; 2° À n’avancer que des choses semblables à celles que l’induction doit confirmer. 

Qu’est-ce que l’Exemple ? R. L’exemple est une induction imparfaite où l’on raisonne en ne citant qu’une seule chose semblable pour en conclure une autre. Ainsi Horace n’a pas été condamné pour avoir tué sa sœur, on ne peut donc condamner Milon pour avoir tué un homme. < Vois ce que nous avons dit plus haut de l’exemple, chapitre 9, article 4. L’exemple relève de la seconde sorte d’argumentation ou Enthymème ; il en va de même pour l’Épichérème. >

Qu’est-ce que l’Épichérème ?

R. C’est un syllogisme < bref > dont toutes les parties se concentrent en une seule. Ainsi : Un esclave accuse son maître sans motif ? Cette argumentation se ramène au syllogisme en ajoutant les parties sous-entendues. – Dans cet exemple les parties sous-entendues sont : un esclave ne doit pas accuser son maître sans motif ; or il est l’esclave de cet homme ; donc, etc.

 

Le Sorite et le Dilemme

 

Qu’est-ce que le Sorite ? R. C’est une argumentation composée d’un grand nombre de propositions (c’est ce qui lui a fait donner ce nom, qui signifie accumuler, mettre en tas). Ainsi : Ce qui est bien est désirable, ce qui est désirable doit être approuvé, ce qui est digne d’approbation, etc.

Qu’est-ce que le Dilemme ? R. C’est un argument incomplet [ratiocinatio imperfecta] composé de deux propositions contraires qui aboutissent à une même conclusion ; quelle que soit celle que prenne l’adversaire, sa défaite est certaine. Ainsi : Cicéron dans la deuxième Philippique < § 31 > enserre Antoine dans ce dilemme : Les meurtriers de César sont des parricides ou des défenseurs de la patrie ; s’ils sont des parricides, pourquoi les as-tu loués ? s’ils ont défendu la patrie, pourquoi accuser leurs partisans ? pourquoi me poursuivre ? < Il exhorte Catilina à quitter Rome : « Pars donc, et délivre-moi des terreurs qui m’obsèdent si elles sont fondées, afin que je ne périsse point ; si elles sont chimériques, afin que je cesse de craindre. » >