ANTITHESIS / ANTITHÈSE
ANTITHESES : ou OPPOSITIONS.
Les antithèses ou oppositions, les comparaisons, les similitudes qui sont des figures propres à représenter les choses avec clarté, sont les effets de cette forte impression que fait sur nous l'objet de la passion qui nous anime ; et dont par conséquent il est facile de parler clairement et exactement, l'ayant présent devant les yeux de l'âme. On sait que les choses opposées se font apercevoir les unes les autres : la blancheur éclate auprès de la noirceur. Voici un exemple d'une antithèse que je tire de saint Prosper, il parle de ceux qui agissent sans être poussés par le Saint Esprit :
Leur âme en cet état recule en s'avançant,
En voulant monter tombe, et perd en amassant :
Comme elle suit l'attrait d'une lueur trompeuse,
Sa lumière l'offusque, et la rend ténébreuse.
Ce passage du chapitre troisième d'Isaïe, que vous allez lire, contient de fort belles antithèses : Parce que les filles de Sion se sont élevées, qu'elles ont marché la tête haute en faisant des signes des yeux, et des gestes des mains, qu'elles ont mesuré tous leur pas, et étudié toutes leurs démarches, le Seigneur rendra chauve la tête des filles de Sion, et il arrachera tous leurs cheveux. En ce jour-là le Seigneur ôtera leurs chaussures magnifiques, leurs croissants d'or, leurs colliers, leurs filets de perle, leurs bracelets, leurs coiffes, leurs rubans de cheveux, leurs jarretières, leurs chaînes d'or, leurs boîtes de parfum, leurs pendants d'oreilles, leurs bagues, les pierreries qui leur pendent sur le front, leurs robes magnifiques, leurs écharpes, leurs beaux linges, leurs poinçons de diamants, leurs miroirs, leurs chemises de grand prix, leurs bandeaux, et leurs habillements légers contre le chaud de l'été. Et leur parfum sera changé en puanteur ; leur ceinture d'or en une corde ; leurs cheveux frisés en une tête nue et sans cheveux, et leurs riches corps de cotte en un cilice.
Le sonnet fameux de l'avorton contient de fort belles antithèses ou oppositions. Une fille enceinte pour sauver son honneur fit mourir son fruit dans son sein. Le poète parle, ou fait parler cette fille à cet avorton :
Toi qui meurs avant que de naître,
Assemblage confus de l'être et du néant,
Triste avorton, informe enfant,
Rebut du néant et de l'être.
Toi que l'amour fit par un crime,
Et que l'honneur défait par un crime à son tour,
Funeste ouvrage de l'amour,
De l'honneur funeste victime,
Laisse-moi calmer mon ennui,
Et du fond du néant où tu rentre aujourd'hui,
Ne trouble point l'horreur dont ma faute est suivie.
Deux tyrans opposés ont décidé ton sort :
L'amour malgré l'honneur te fait donner la vie,
L'honneur malgré l'amour te fait donner la mort,
Je ne voudrais pas soutenir que ce sonnet soit également beau en toutes ses pensées, et à couvert d'une critique raisonnable.