Jean-Baptiste Crevier, 1765 : Rhétorique française

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Jean-Baptiste Crevier, Rhétorique française (1765), Paris, Saillant, 1767, 2 tomes, t. 1, p. 359-361.

Briéveté.

Le précepte de la briéveté a besoin d’être expliqué. Elle ne consiste pas précisément à se renfermer dans peu de paroles. On est court toutes les fois que l’on ne dit que ce qui est nécessaire, ou même utile. Mais il n’est pas permis de se dispenser de dire tout ce qu’il faut. Entre les deux excès du trop ou du trop peu, le dernier, suivant la remarqueudicieuse de Quintilien, est le plus vicieux. Car le superflu n’a que l’inconvénient d’ennuyer celui qui écoute ; au-lieu qu’il y a du danger pour la cause à omettre ce qui est nécessaire.Je dirai plus : ce qui n’allonge que par un ornement placé à propos, & distribué avec goût & avec discrétion, ne peut point être traité de superflu. « La Narration, dit Quintilien, ne doit pas être sans graces ; autrement elle paroîtroit grossiere & ennuieroit : car le plaisir trompe & amuse ; & ce qui plaît semble moins durer : de même qu’un chemin riant & uni, quoique plus long, fatigue moins qu’un chemin plus court, qui seroit escarpé ou désagréable. »

Cicéron pense de même, & il cite pour exemple la narration qui remplit la premiere scene de l’Andrienne de Térence, & qui est véritablement un modele accompli. Elle est trop longue pour être insérée ici : & d’ailleurs je craindrois de ne pouvoir pas faire passer dans ma traduction les graces de l’original.