EXEMPLUM / EXEMPLE
DE L’EXEMPLE.
L’exemple est un Argument, dans lequel on tire une conclusion singuliere ou universelle, d’une ou de plusieurs propositions.
Exemple de l’Exemple.
Scylla qui estoit fort redoutable, envahit la Republique.
Il est donc à craindre, que Cesar qui est fort puissant ne s’en empare.
Autre exempte.
Les Romains ont tout perdu pour avoir voulu usurper.
Donc les Espagnols, qui ont le mesme dessein doivent craindre le mesme revers.
Autre Exemple.
La Magdelaine, le bon Larron, saint Pierre, & tous les autres vrais Penitens, ont receu le pardon de leurs fautes.
Donc le repentir de mes pechez pourra estre l’object de la misericorde de Dieu.
Autre exemple.
Darius ne voulut point attaquer la Grece qu’il n’eust assuietty l’Egypte, & il n’en fust pas plustost le Maistre qu’il tourna ses armes contre vous. Xerxes pratiqua la mesme retenuë, & à peine remporta-t’il la mesme victoire qu’il fit la mesme enterprise: Il est donc à croire que ses predecesseurs, imiteront la mesme prudence, & que s’ils ont le mesme bon-heur, ils formeront le mesme dessein.
Autre Exemple.
Monsieur le Prince a esté loüé, de ce qu’il a fait estudier Monsieur le Duc d’Enguyen.
Donc tout grand Seigneur sera loüé, de ce qu’il fera estudier ses enfans.
Ces sortes de conclusions sont foibles, si le sujet de la loüange, n’est un bien tres decent, & tres considerable.
Les exemples sont veritables, ou inventez.
Les exemples inventez, sont paroboliques ou fabuleux.
Les paraboliques, sont tirez des actions que la raison attribuë aux hommes.
Et les fabuleux sont bien tirez des actions que la fiction attribuë aux bestes.
La sainte Escriture est pleine des premiers:
Et les escrits d’Esope, sont remplis des autres.
EXEMPLE DE L’EXEMPLE
Parabolique.
Tirer les Magistrats au sort, c’est comme si dans la liberté de choisir des Athletes, on s’exposoit à prendre les premiers venus, ne souffrez donc point, Messieurs, que le hazard fasse ce que la prudence doit faire.
Autre Exemple.
Retrancher ses Artisans d’une Ville, c’est comme si pour la commodité de l’homme, on vouloit retrancher ses bras, ne permettez donc point, Messieurs, qu’on remplisse nos armées, du vide de nos boutiques.
Exemple de l’Exemple fabuleux.
A peine un Renard, dit Esope, eust-il traversé une riviere qu’il tomba dans une fosse, où les Mouches l’attaquerent, un Herisson qui se trouva sur ces entre-faites, offre de le délivrer de ces petits volatils, & comme le Herisson fut surpris de ce refus, il le pria deslors de luy en dire la raison, les Mouches qui me couvrent, répondit le Renard, ne m’incommodent presque plus, elles sont soulles, & si tu les chaslois il en viendroit d’autres qui estant affamées, acheveroient de tirer le sang qui me reste. Ce que dit le Renard à l’Herisson, adjousta Esope, se peut dire aujourd’huy à Messieurs de Samos, Vous voulez faire perir un Magistrat qui est riche de ses Concussions, & vous ne considerez pas qu’en l’estat où est la fortune, il est presque assouvy de biens, que si sa charge devient vacquante, elle sera remplie de quelqu’autre qui estant alteré du sang du Peuple achevera de ruiner vostre Isle.
Autre Exemple.
Un Epervier poursuivoit un Rossignol, & il arriva qu’en volant dans un Village il tomba en la puissance d’un Païsan, l’Epervier qui croyoit que la douceur pourroit quelque chose sur ce Villageois le pria de bonne grace de le laisser aller; mais ce fut en vain, & il éprouva un sort tout contraire à celuy qu’il s’estoit promis: Cela vous apprend, Messieurs, que les belles parolles n’effacent pas les mauvaises actions, & qu’on ne se deffend pas de nuire à ceux qui s'efforcent de nuire aux autres.
Les fables, dit Aristote, sont plus faciles a trouver que les Exemples; mais ils ont moins de force: Quand on abonde en raisons peu d’exemples suffisent, & quand la chose dont il s’agit, est plustost fondée sur la coustume que sur la raison, peu d’exemples ne suffisent pas.
Quand les exemples précedent la raison ils passent pour une induction, & quand ils la suivent ils passent pour des témoignages; mais comme les exemples sont à proprement parler des confirmations, c’est renverser l’ordre des choses que de les faire primer.