ACUTE DICTUM / POINTE
Définitions
1765 : Jean-Baptiste Crevier
Jean-Baptiste Crevier, Rhétorique française (1765), Paris, Saillant, 1767, 2 tomes, t. 2, p. 147-149.
1787 : Pierre Thomas Nicolas Hurtaut
P. T. N. Hurtaut, Manuale rhetorices ad usum studiosae juventutis academicae, Exemplis tum Oratoriis, tu Poeticis, editio tertia, Paris, chez l'auteur, 1782, troisième section "De Elocutione", chapitre II "De Sermonis Dignitate", "De figuris", "Figurae verborum", "De figuris aliquo conflictu constantibus",VI "De Oxymoro, seu acutè dictio (la Pointe)", p. 223-224.
Dictionnaires et encyclopédies
CN. pointe [trad. Hurtaut] voir Oxymoron
Furetière
Se dit figurément en choses spirituelles et morales. La pointe de l’esprit s’émousse par la débauche continuelle. Ce jeune homme a beaucoup de vivacité, de pointe d’esprit. Les Epigrammes doivent finir par quelque agreable pointe. Les pointes sont des equivoques, et des jeux d’esprit. Il faut se donner de garde des fausses pointes, des turlupinades.
Encyclopédie
[Jaucourt]
Jeu d’esprit qui coule sur les mots.
Jadis de nos auteurs les pointes ignorées,
Furent de l’Italie en nos vers attirées.
La raison outragée ouvrant enfin les yeux,
La bannit pour jamais des discours sérieux,
Et dans tous ses écrits la déclarant infâme,
Par grace lui laissa l’entrée en l’épigramme ;
Pourvû que sa finesse éclatant à-propos.
Roulât sur la pensée, & non pas sur les mots.
Ce n’étoit pas seulement dans les ouvrages d’esprit qu’on imaginoit devoir donner place aux pointes, elles faisoient les plus riches ornemens de nos sermonaires. Un prédicateur de ces tems-là, parlant de S. Bonaventure, promit de montrer dans les deux parties de son discours, qu’il avoit été le docteur des séraphins, & le seraphin des docteurs. Le P. Caussin dans sa Cour sainte, dit que les hommes ont bâti la tour de Babel, & les femmes la tour de babil.
Tout est souple devant vous, dit le P. Coton à Henri IV. Votre sceptre est un caducée qui conduit, induit & réduit les ames à ce qu’il veut.
Mais pour venir à des exemples plus modernes, ce que dit Mascaron dans l’Oraison funebre de Henriette d’Angleterre, ne doit-il pas passer pour une pointe des plus ridicules ?
Le grand, l’invincible, le magnanime Louis à qui l’antiquité eût donné mille cœurs, elle qui les multiplioit dans les héros selon le nombre de leurs grandes qualités, se trouve sans cœur à ce spectacle.
Le moyen de découvrir si une pointe est bonne ou mauvaise, c’est de la tourner dans une autre langue ; lorsqu’elle soutient cette épreuve, on peut la regarder pour être de bon aloi ; mais c’est tout le contraire quand elle s’évanouit dans l’opération. On pourroit appliquer à la véritable pointe ingénieuse, l’éloge qu’Aristenite faisoit d’une belle femme, qu’il trouvoit toujours belle, soit qu’elle fût parée ou en deshabillé.
On ne substitue souvent les pointes à la force du discours, que parce qu’il est plus facile d’avoir de l’esprit que d’être à la fois touchant & naturel. Quand on ne fut plus capable d’admirer le style noble & simple des écrivains du siecle d’Auguste, on goûta le style hérissé de pointes des écrits de Séneque. C’est ainsi que parmi nous, nous voyons la décadence des sciences sortir de ce nouvel esprit de pointes & de frivolités, qui causa celle dont on commençoit à se plaindre à Rome immédiatement après le siecle d’Auguste.
Je ne prétens pas cependant qu’il soit toujours défendu, dans quelques petits ouvrages, de donner place à des pensées qui suppléent par leur vivacité à ce qui leur manque du côté de la justesse. Il en est de ces traits comme des faux brillans qu’on a quelquefois ingénieusement mis en œuvre, & qu’on ose porter sans deshonneur avec de vrais diamans.
Littré
Trait subtil, recherché, jeu de mots.
Il se hasarde même à faire des romans,
Des chansons pour Gautier, des pointes pour Guillaume. [Corneille, Illusion, I, 3]
Pointe d’épigramme, la pensée piquante qui doit terminer une épigramme.
Et n’allez pas toujours d’une pointe frivole
Aiguiser par la queue une épigramme folle. [Boileau, L’art poétique]