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1671 : Le Gras

La Rhetorique Françoise

Le Gras, La Rhetorique Françoise ou les preceptes de l'ancienne et vraye eloquence accomodez à l'usage des conversations & de la Societé civile : Du Barreau : Et de la Chaire, Paris, A. de Rafflé, 1671, Troisième partie de la Rethorique, « De l'Elocution », chap. III, « Des Tropes », p. 195.

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1765 : Jean-Baptiste Crevier

Rhétorique française

Jean-Baptiste Crevier, Rhétorique française (1765), Paris, Saillant, 1767, 2 tomes, t. 2, p. 99-101.

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1782 : Pierre Thomas Nicolas Hurtaut

Manuale rhetorices

P. T. N. Hurtaut, Manuale rhetorices ad usum studiosae juventutis academicae, Exemplis tum Oratoriis, tu Poeticis, editio tertia, Paris, chez l'auteur, 1782, troisième section "De Elocutione", chapitre II "De Sermonis Dignitate", "Secundum genus Troporum, I "De Allegoria", p. 190-191.

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Dictionnaires et encyclopédies

Furetière

Proposition qu’on donne à deviner, qui est cachée sous des termes obscurs, et le plus souvent contradictoires en apparence. Ce mot vient du Grec ainigma, qui signifie un discours obscur qui couvre une chose fort connuë d’elle-même.

C’est aussi quelquefois une espece d’embleme, quand sous les figures d’un tableau il y a quelque mot, quelque sens, ou quelque mystere caché.

 

Encyclopédie

[Jaucourt]

C’étoit chez les anciens une sentence mystérieuse, une proposition qu’on donnoit à deviner, mais qu’on cachoit sous des termes obscurs, & le plus souvent contradictoires en apparence. L’énigme parmi les modernes, est un petit ouvrage ordinairement en vers, où sans nommer une chose, on la décrit par ses causes, ses effets & ses propriétés, mais sous des termes & des idées équivoques pour exciter l’esprit à la découvrir.

 

Souvent l’énigme est une suite de comparaisons qui caractérisent une chose, par des noms tirés de plusieurs sujets différens entre eux qui ressemblent à celui de l’énigme chacun à sa maniere, & par des rapports particuliers. Quelquefois pour la rendre plus difficile à deviner, on l’embarrasse, en mêlant le style simple au style figuré, en empruntant des métaphores, ou en personnifiant exprès le sujet de l’énigme afin de donner le change.

 

En général, pour constituer la bonté de nos énigmes modernes, il faut que les traits employés ne puissent s’appliquer tous ensemble qu’à une seule chose, quoique séparément ils conviennent à plusieurs.

 

Je ne m’arrêterai pas à rapporter les autres regles qu’on prescrit dans ce jeu littéraire, parce que mon dessein est bien moins d’engager les gens de Lettres à y donner leurs veilles, qu’à les détourner de semblables puérilités. Qu’on ne dise point en faveur des énigmes, que leur invention est des plus anciennes, & que les rois d’Orient se sont fait très-long tems un honneur d’en composer & d’en résoudre : je répondrois que cette ancienneté même n’est ni à la gloire des énigmes, ni à celle des rois orientaux.

 

Dans la premiere origine des langues, les hommes furent obligés de joindre le langage d’action à celui des sons articulés, & de ne parler qu’avec des images sensibles. Les connoissances aujourd’hui les plus communes étoient si subtiles pour eux, qu’elles ne pouvoient se trouver à leur portée qu’autant qu’elles se rapprochoient des sens. Ensuite, quand on étudia les propriétés des êtres pour en tirer des allusions, on vit paroître les paraboles & les énigmes, qui devinrent d’autant plus à la mode, que les sages ou ceux qui se donnoient pour tels, crurent devoir cacher au vulgaire une partie de leurs connoissances. Par-là, le langage imaginé pour la clarté fut changé en mysteres : le style dans lequel ces prétendus sages renfermoient leurs instructions, étoit obscur & énigmatique, peut-être par la difficulté de s’exprimer clairement ; peut-être aussi à dessein de rendre les connoissances d’autant plus estimables qu’elles seroient moins communes.

 

On vit donc les rois d’Orient mettre leur gloire dans les propositions obscures, & se faire un mérite de composer & de résoudre des énigmes. Leur sagesse consistoit en grande partie dans ce genre d’étude.

Un homme intelligent, dit Salomon, parviendra à comprendre un proverbe, à pénétrer les paroles des sages & leurs sentences obscures.

C’étoit chez eux l’usage pour éprouver leur sagacité, de se présenter ou de s’envoyer les uns aux autres des énigmes, & d’y attacher des peines & des récompenses.

 

Entre plusieurs exemples que je pourrois alléguer, je n’en rapporterai qu’un seul, tiré de l’Ecriture-sainte, & je me servirai de la traduction des théologiens de Louvain, quoiqu’en vieux langage, parce que je n’ai présentement que cette traduction sous les yeux. Voici les propres paroles du Texte sacré, chap. xjv du livre des Juges, vers. 12 & suivans.

 

Samson dit : Je vous proposerai quelques propositions : que si vous me baillez la solution dedans les sept jours du convive, je vous donnerai trente fines chemises, & autant de robes.

Vers. 13. Mais si vous ne pouvez me bailler la solution, vous me donnerez trente fines chemises, & autant de robes. Lesquels lui répondirent : Propose ta proposition, afin que l’oyons.

Vers. 14. Et il leur dit : De celui qui mangeoit est sorti la viande, & du fort est venu la douceur. Et ne purent par trois jours donner la solution de la proposition.

Vers. 15. Et quand le septieme jour fut venu, ils dirent à la femme de Samson : Flatte ton mari, & lui persuade qu’il te déclare quelle chose signifie la proposition.

Vers. 17. Et ainsi tous les jours du convive, elle pleuroit devant lui ; & finalement au septieme jour, comme elle le molestoit, il lui exposa : laquelle incontinent le fit savoir à ceux de son peuple.

Vers. 18. Et iceux lui dirent au septieme jour devant le soleil couchant : Quelle chose est plus douce que le miel, & quelle chose est plus forte que le lion ? Lors Samson leur dit : Si vous n’eussiez labouré avec ma génisse, vous n’eussiez point trouvé ma proposition.

 

Un savant Jurisconsulte met cette énigme au rang des gageures, en matiere de jeux d’esprit ; & il pourroit bien avoir raison, car il y a une stipulation de part & d’autre, de trente fines chemises, & autant de robes. Cependant les Philistins agirent de mauvaise foi, en obligeant la femme de Samson de tirer de la bouche de son mari l’explication de l’énigme, & à la leur apprendre, au lieu de la deviner par eux-mêmes.

 

Au reste, dans notre siecle, l’énigme proposée par Samson ne seroit point dans les regles, parce qu’elle ne rouloit pas sur une chose ordinaire, ou un évenement commun, mais sur un fait particulier ; c’est-à-dire sur un de ces cas qu’il est ordinairement presque impossible de deviner.

 

Quoi qu’il en soit, dans ce tems-là on n’étoit pas si scrupuleux ; on ne cherchoit qu’à attraper ceux à qui on présentoit des énigmes à expliquer : & c’est un fait si vrai, que l’intelligence des énigmes, ou des sentences obscures, devint un proverbe parmi les Hébreux, pour signifier l’adresse à tromper, comme on le peut conclure du portrait que Daniel fait d’Antiochus Epiphanés.

Lorsque les iniquités se seront accrues, dit-il, il s’élevera un roi qui aura l’impudence sur le front, & qui comprendra les sentences obscures.

 

Le voile mystérieux de cette sorte de sagesse la rendit, comme il arrivera toûjours, le plus estimé de tous les talens : c’est pourquoi dans un pseaume, où il s’agit d’exciter fortement l’attention, le psalmiste débute en ces termes :

Vous peuples, écoutez ce que je vais dire. Que tous les habitans de la terre, grands & petits, riches & pauvres, prêtent l’oreille ; ma bouche publiera la sagesse… je découvrirai sur la harpe mon énigme.

 

Outre les causes que nous avons rapportées, qui contribuerent à conserver long-tems les énigmes en vogue, je croirois volontiers que l’usage des hyérogliphes y concourut aussi pour beaucoup : en effet, quand on vint à oublier la signification des hyérogliphes, on perdit peu-à-peu, quoique très-lentement, l’usage des énigmes.

 

Enfin elles reparurent, lorsqu’on devoit le moins s’y attendre ; je veux dire, dans le XVII. siecle : & ce n’est pas, ce me semble, par cet endroit qu’il mérite le plus qu’on le vante. Il est vrai qu’on habilla pour lors en Europe les énigmes avec plus d’art, de finesse & de goût, qu’elles ne l’avoient été dans l’Asie : on les soûmit, comme tous les autres poëmes, à des lois & à des regles étroites, dont le pere Menestrier même a publié un traité particulier. Mais quelque décoration qu’on ait donnée aux énigmes, elles ne seront presque jamais que de folles dépenses d’esprit, des jeux de mots, des écarts dans le langage & dans les idées.

 

Les gens de lettres un peu distingués du siecle passé, qui ont eu la foiblesse de donner dans cette mode, & de se laisser entraîner au torrent, seroient bien honteux aujourd’hui de lire leurs noms dans la liste de toutes sortes de gens oisifs, & de voir qu’un tems a été qu’ils se faisoient un honneur de deviner des énigmes ; & plus encore d’annoncer à la France, qu’ils avoient eu assez d’esprit pour exprimer, sous un certain verbiage, sous un jargon mystérieux & des termes équivoques, une flûte, une fleche, un éventail, une horloge.

 

Mais il faut bien se garder de confondre de telles inepties, avec les énigmes d’un autre genre ; j’entends ces fameux problèmes de la Géométrie transcendante, qui, sur la fin du même siecle, exercerent des génies d’un ordre supérieur. La solution de ces dernieres sortes d’énigmes peut avoir de grands usages ; elle demande du moins beaucoup de sagacité, & prouve qu’on s’est rendu familiere la connoissance de cette Géométrie sublime, dont Newton a la gloire d’être le premier inventeur.

 

Littré

Définition de choses en termes obscurs, mais qui, tous réunis, désignent exclusivement leur objet et sont donnés à deviner.

La reine de Saba, ayant entendu parler de la grande réputation de Salomon, vint à Jérusalem pour en faire l’expérience par des énigmes. [Sacy, Bible, Paralip. II, IX, 1]

 

Le mot de l’énigme, ce qui est à deviner dans une énigme.

Nous avons vu tout Paris indigné de ce qu’une énigme du Mercure se trouvait n’avoir point de mot. [Marmontel, Éléments de littérature]

 

Fig. et familièrement. Voilà le mot de l’énigme, c’est-à-dire voilà l’explication de ce qu’on ne comprenait pas.

Le mot de l’énigme est, ce me semble, que la distribution des fortunes dans la société est d’une inégalité monstrueuse. [D’Alembert, Lettre au R. de Prusse, 30 avril 1770]

2. Il se disait autrefois de certains tableaux qu’on exposait dans les colléges pour que les écoliers exerçassent leur esprit à en deviner le sens caché.