EPITHALAMIUM / ÉPITHALAME
Définitions
1662 : Jacques du Roure
Jacques Du Roure, La Rhétorique française nécessaire à tous ceux qui veulent parler, ou écrire comme il faut et faire ou juger : des discours familiers, des lettres, des harangues, des plaidoyers, et des prédications, Paris, chez l’Auteur, 1662, Quatrième partie, p. 78-79.
1710 : Joseph de Jouvancy
Joseph de Jouvancy, L’Élève de rhétorique (Candidatus rhetoricae, 1e éd. 1710, 1e trad. 1892), édité par les équipes RARE et STIH sous la direction de D. Denis et Fr. Goyet, Paris, Classiques Garnier, 2019, cinquième partie, "Exercices préparatoires < d'Aphthonius >", VI. "Sixième exercice préparatoire, De la réfutation, de la confirmation, de la louange et du blâme", chap. III, "Des différentes espèces de petits discours et de la manière de traiter chacun d'eux", "Épithalame", p. 388-389.
1782 : Pierre Thomas Nicolas Hurtaut
P. T. N. Hurtaut, Manuale rhetorices ad usum studiosae juventutis academicae, Exemplis tum Oratoriis, tu Poeticis, editio tertia, Paris, chez l'auteur, 1782, deuxième section "De Dispositione", chap. IV "De variis Orationibus quae ad tria genera referri possunt", § I "Genus Demonstrativum ", p. 99-100.
Dictionnaires et encyclopédies
CN. voir Nuptialis oratio
Furetière
Terme de Poësie. Ce sont des vers faits à l’occasion d’un mariage de quelques personnes illustres, un chant de nopces. Les Anciens nous ont laissé plusieurs Epithalames. Ce mot vient d’epi, et du Grec thalamos, cubiculum nuptiale.
Encyclopédie
[Jaucourt]
Poëme à l’occasion d’un mariage ; chant de noces pour féliciter des époux.
Le mot épithalame vient du grec ἐπιθαλάμιον ; & ce dernier, en ajoûtant ᾆσμα, signifie chant nuptial : θάλαμος en est la véritable étymologie.
Or les Grecs nommerent ainsi leur chant nuptial, parce qu’ils appelloient θάλαμος l’appartement de l’époux ; & qu’après la solennité du festin, & lorsque les nouveaux mariés s’étoient retirés, ils chantoient l’épithalame à la porte de cet appartement. Il est inutile de rechercher ce qui les détermina à choisir par préférence ce lieu particulier, moins encore de songer à réfuter les écrivains qui en alleguent une raison peut-être aussi frivole qu’elle est communément reçûe, Quoi qu’il en soit, cette circonstance du lieu est regardée par quelques modernes comme si nécessaire, que tout chant nuptial qui ne l’exprime pas, ne doit point, selon eux, être nommé épithalame.
Mais sans nous arrêter à cette pédanterie, non plus qu’à toutes les distinctions frivoles d’épithalames, imaginées par Scaliger, Muret & autres ; ni même sans considérer ici servilement l’étymologie du mot, nous appellerons épithalame tout chant nuptial qui félicite de nouveaux époux sur leur union ; qu’il soit un simple récit, ou qu’il soit mêlé de récit & de chant ; que le poëte y parle seul, ou qu’il introduise des personnages ; & quel que soit enfin le lieu de la scene, s’il est permis d’user d’une expression si impropre.
L’épithalame est en général une espece de poésie très-ancienne ; les Hébreux en connurent l’usage dès le tems de David, du moins les critiques regardent le pseaume xljv. comme un véritable épithalame. Origene donne aussi le nom d’épithalame au cantique des cantiques ; mais en ce cas c’est une sorte d’épithalame d’une nature bien singuliere.
Les Grecs connurent cette espece de chant nuptial dans les tems héroïques, si l’on s’en rapporte à Dyctis, & la cérémonie de ce chant ne fut point oubliée aux noces de Thétis & de Pelée ; mais dans sa premiere origine l’épithalame n’étoit qu’une simple acclamation d’hymen, o hymenee. Le motif & l’objet de cette acclamation sont évidens : chanter hymen, o hymenee, c’étoit sans doute féliciter les nouveaux époux sur leur union, & souhaiter qu’ils n’eussent qu’un même cœur & qu’un même esprit, comme ils n’alloient plus avoir qu’une même habitation.
Cette acclamation passa depuis dans l’épithalame ; & les poëtes en firent un vers intercalaire, ou une espece de refrain ajusté à la mesure qu’ils avoient choisie : ainsi ce qui étoit le principal devint comme l’accessoire, & l’acclamation d’hymen, o hymenee amenée par intervalles égaux, ne servit plus que d’ornement à l’épithalame, ou plûtôt elle servit à marquer les vœux & les applaudissemens des chœurs, lorsque ce poëme eut pris une forme réglée.
Stésichore, qui florissoit dans la xlij. olympiade, passe communément pour l’inventeur de l’épithalame ; mais l’on sait qu’Hésiode s’étoit déjà exercé sur ce même genre, & qu’il avoit composé l’épithalame de Thétis & de Pélée : ouvrage que nous avons perdu, mais dont un ancien scholiaste nous a conservé un fragment. Peut-être que Stésichore perfectionna ce genre de poésie, en y introduisant la cithare & les chœurs.
Quoi qu’il en soit, l’épithalame grec est un véritable poëme, sans cependant imiter aucune action. Son but est de faire connoître aux nouveaux époux le bonheur de leur union par les loüanges réciproques qu’on leur donne, & par les avantages qu’on leur annonce pour l’avenir. Le poëte introduit des personnages, qui sont ou les compagnes de l’épouse, comme dans Théocrite ; ou les amis de l’époux, comme dans Apollonius.
L’épithalame latin eut à-peu-près la même origine que l’épithalame grec : comme celui-ci commença par l’acclamation d’hymenée, l’épithalame latin commença par l’acclamation de Talassius : on en sait l’occasion & l’origine.
Parmi les Sabines qu’enleverent les Romains, il y en eut une qui se faisoit remarquer par sa jeunesse & par sa beauté ; ses ravisseurs craignant avec raison, dans un tel desordre, qu’on ne leur arrachât un butin si précieux, s’aviserent de crier qu’ils la conduisoient à Talassius, jeune homme beau, bienfait, vaillant, considéré de tout le monde, & dont le nom seul imprima tant de respect, que loin de songer à la moindre violence, le peuple accompagna par honneur les ravisseurs, en faisant sans cesse retentir ce même nom de Talassius. Un mariage que le hasard avoit si-bien assorti, ne pouvoit manquer d’être heureux : il le fut, & les Romains employerent depuis dans leur acclamation nuptiale le mot Talassius, comme pour souhaiter aux nouveaux époux une semblable destinée.
A cette acclamation, qui étoit encore en usage du tems de Pompée, & dont on voit des vestiges au siecle même de Sidonius, se joignirent dans la suite les vers fescenniens ; vers extrèmement grossiers, & pleins d’obscénités.
Les Latins n’eurent point d’autres épithalames avant Catulle, qui prenant Sapho pour modele, leur montra de véritables poëmes en ce genre, & substitua l’acclamation greque d’hymenée à l’acclamation latine de Talassius. Il perfectionna aussi les vers fescenniens ; mais, comme il arrive d’ordinaire, s’il les rendit plus chastes par l’expression, ils ne furent peut-être que plus obscenes par le sens.
Nous en avons des exemples dans un épithalame de ce poëte (epithal. Jul.), dans une petite piece qui nous est restée de l’empereur Gallien, & dans le Centon d’Ausone principalement. Stace, qui a fleuri sous Domitien, ne s’est permis dans l’épithalame de Violantille & de Stella, aucune expression peu mesurée. Claudien n’a pas toûjours été si retenu, il s’échappe d’une maniere indécente dans celui d’Honorius & de Marie.
Pour Sidonius, aussi-bien que tous les modernes, dont les poésies sont lûes des honnêtes gens, comme Buchanan parmi les Ecossois, Malherbe & quelques autres parmi nous, excepté Scarron, ils sont irréprochables à cet égard ; si pourtant l’on excepte encore parmi les Italiens le cavalier Marini, qui mêle sans respect pour ses héros, à des loüanges quelquefois délicates, des traits tout-à-fait licentieux.
Il semble que l’épithalame admettant toute la liberté de la Poésie, il ne peut être assujetti à des préceptes ; mais comment arriver à la perfection de l’art, sans le secours de l’art même ? Aussi Denys d’Halicarnasse donnant aux orateurs les regles de l’épithalame, ne dit pas qu’elles soient inutiles ; il les renvoye même aux écrits de Sapho. Rien n’est si avantageux, en général, que d’étudier les modeles, parce qu’ils renferment toûjours les préceptes, & qu’ils en montrent encore la pratique.
Il est vrai qu’il n’y a point de regles particulieres prescrites pour le genre, pour le nombre, ni pour la disposition des vers propres à cet ouvrage ; mais comme le sujet en tout genre de poésie est ce qu’il y a de principal, il semble que le poëte doit chercher une fiction qui soit tout ensemble juste, ingénieuse, propre & convenable aux personnes qui en seront l’objet ; & c’est en choisissant les circonstances particulieres, qui ne sont jamais absolument les mêmes, que l’épithalame est susceptible de toutes sortes de diversités.
Claudien & Buchanan, sans être en tout & à tous égards de vrais modeles, ont rendu propres à leurs héros les épithalames qu’ils nous ont laissés. Pour le cavalier Marini, loin qu’il soit heureux dans le choix des circonstances, ou dans les fictions qu’il ne doit qu’à lui-même, on n’y trouve presque jamais ni convenance ni justesse. L’épithalame qui a pour titre, les travaux d’Hercule, & pour objet un seigneur de ce nom, n’est qu’une indécente & froide allusion aux travaux de ce dieu de la fable. Dans l’hymenée où il s’agit des noces de Vincent Caraffe, c’est Silene qui chante tout simplement l’épithalame du berger Amynte. Telles sont ordinairement les fictions de cet auteur : s’il en a d’une autre nature, il les emprunte de Claudien, de Sidonius même ; ou il les gâte par des descriptions si longues & si fréquentes, qu’elles rebutent l’esprit, & font disparoître le sujet principal.
Fuyez de cet auteur l’abondance stérile,
Et ne vous chargez point d’un détail inutile,
dit un de nos meilleurs poëtes dans une occasion toute semblable.
Parlons à présent des images ou des peintures qui conviennent à ce genre de poëme. L’épithalame étant par lui-même destiné à exprimer la joie, à en faire éclater les transports, on sent qu’il ne doit employer que des images riantes, & ne peindre que des objets agréables. Il peut représenter l’Hymenée avec son voile & son flambeau ; Vénus avec les graces, mêlant à leurs danses ingénues de tendres concerts ; & les Amours cueillant des guirlandes pour les nouveaux époux.
Mais ramener dans un épithalame le combat des géans, & la fin tragique des héroïnes fabuleuses, comme fait Sidonius, ou le repas de Thyeste, & la mort de César, comme fait le cavalier Marini, c’est (pour le dire avec un ancien) être en fureur en chantant l’hymenée.
Pour les images indécentes, ou qui révoltent la modestie, quiconque en employe de ce caractere ne peche pas moins contre les regles de l’art en général, que contre ses vrais intérêts. En effet, si un discours n’a de véritable beauté qu’autant qu’il exprime une chose qui fait plaisir à voir ou à entendre, ou bien qu’il présente un sens honnête, comme Théophraste le soûtient, & comme la raison même le persuade, que doit-on penser de ces sortes d’images ? Et se les permettre dans une matiere chaste par elle-même, n’est-ce pas en quelque maniere imiter Ausone, qui pour avoir travesti en poëte sans pudeur le plus sage de tous les Poëtes, n’a pû trouver encore depuis tant de siecles un seul apologiste ?
Bien différent de cet écrivain, Théocrite n’offre à l’esprit que des images agréables ; il ne représente que des objets gracieux, & avec des idées & des expressions enchanteresses. Telle est son épithalame d’Hélene, chef-d’œuvre en ce genre qu’on ne sauroit trop loüer.
Après avoir donné des couronnes de jacinthe aux filles de Lacédémone qui chantent l’hymenée, il leur fait relever en ces termes le bonheur de Ménélas.
Vous êtes arrivé à Sparte sous des auspices bien favorables ; seul entre les demi-dieux, vous devenez le gendre de Jupiter, vous épousez Hélene ! Les graces l’accompagnent, les amours sont dans ses yeux ; elle étoit l’ornement de Sparte, comme le cyprès est l’honneur des jardins
Puis venant à Hélene même :
Uniquement occupées de vous, nous allons, disent-elles, vous cueillir une guirlande de lotos ; nous la suspendrons à un plane, & en votre honneur nous y répandrons des parfums. Sur l’écorce du plane, on gravera ces mots : honorez-moi, je suis l’arbre d’Hélene.
S’adressant ensuite aux deux époux :
Puisse Vénus, ajoûtent-elles, vous inspirer une ardeur mutuelle & durable ! puisse Latone vous accorder une heureuse postérité, & Jupiter vous donner des richesses que vous transmettiez à vos descendans !
Ce poëme, au reste, a deux parties qui sont bien marquées, & qui paroissent essentielles à tout épithalame ; l’une qui comprend les loüanges des nouveaux époux, l’autre qui renferme des vœux pour leur prospérité.
La premiere partie exige tout l’art du poëte ; car il en faut infiniment pour donner des loüanges, qui soient tout ensemble ingénieuses, naturelles, & convenables : & voilà sans doute pourquoi l’on dit si souvent que l’épithalame est l’écueil des Poëtes.
Les loüanges seront ingénieuses, si elles sortent, pour ainsi dire, du fond même de la fiction ; naturelles, si elles ne blessent pas la vraissemblance poétique ; convenables, si elles sont accommodées selon les regles de cette vraissemblance au sexe, à la naissance, à la dignité, au mérite personnel.
Il en est de même, à proportion, des vœux ; ils doivent être naturels, ou se renfermer dans la vraissemblance poétique ; & convenables, ou ne pas excéder la vraissemblance relative, si je puis m’exprimer ainsi avec M. Souchai ; car j’ai tiré toutes les réflexions qu’on vient de lire dans cet article, d’un de ses discours inséré dans le recueil de l’académie des Belles Lettres, & je ne crois pas que personne ait mieux traité cette matiere.
C’est peut-être un travail en pure perte, que celui de notre savant ; du moins on a lieu de le penser, quand on considere à quel point tout le monde est dégoûté de ce genre de poëme, soit par la difficulté du succès, soit par l’exemple de tant de gens qui y ont échoüé avec mépris, soit enfin par le peu d’honneur qu’on gagne à courir dans cette carriere : il est du moins certain que les épithalames sont tombés dans un tel discrédit, que les Hollandois qui en étoient les plus grands protecteurs, non-seulement les ont abandonnés, mais même ont pris le parti de leur substituer des estampes particulieres, qu’ils appellent de ce nom, comme s’ils pensoient que l’épithalame poétique ne pût jamais ressusciter.
Littré
Petit poëme pour célébrer un mariage ; genre qui nous vient de l’antiquité, où il était particulièrement usité. L’épithalame de Thétis et de Pélée, par Catulle.
Quelque épithalame à la glace Dans un petit monde bourgeois. [Gresset, La Chartreuse]