GRADATIO / GRADATION
Définitions
94 : Quintilien
Quintilien, De l’Institution de l’orateur, trad. Nicolas Gédoyn, Paris, Grégoire Dupuis, 1718, livre neuvième, chap. III, « Des figures de la Diction », p. 605.
1660 : Bary
René Bary, La Rhetorique Francoise Ou L'On Trouve de nouveaux Exemples sur les Passions & sur les Figures. Ou l'On Traite à Fonds de la Matière des Genres Oratoires, Paris, Pierre le Petit, 1660, troisième partie, « De l'Usage de la Gradation », p. 514
1662 : Jacques du Roure
Jacques Du Roure, La Rhétorique française nécessaire à tous ceux qui veulent parler, ou écrire comme il faut et faire ou juger : des discours familiers, des lettres, des harangues, des plaidoyers, et des prédications, Paris, chez l’Auteur, 1662, Troisième partie, p. 26-29.
1665 : Richesource
Jean Oudart de Richesource, L’Éloquence de la chaire ou la Rhétorique des prédicateurs (1665), Paris, à l’académie des orateurs, 1673, p. 182-184.
1689 : Étienne Dubois de Bretteville
Étienne Dubois de Bretteville, L’Éloquence de la chaire et du barreau selon les principes les plus solides de la rhétorique sacrée et profane, Paris, Denys Thierry, 1689, p. 274
1710 : Joseph de Jouvancy
Joseph de Jouvancy, L’Élève de rhétorique (Candidatus rhetoricae, 1e éd. 1710, 1e trad. 1892), édité par les équipes RARE et STIH sous la direction de D. Denis et Fr. Goyet, Paris, Classiques Garnier, 2019, troisième partie, "De l'élocution", chap. II, "Des figures", art. I, "Des Figures de Mots", §2. "Des autres Figures de Mots", "La Gradation", p. -178-179 et art. II, "Des Figures de Pensées", "La Gradation", p. 194-195.
1712 : Bernard Lamy
Bernard Lamy, La Rhétorique ou l’Art de parler (5ème éd., 1712), éd. Ch. Noille-Clauzade (1998), Paris, Florentin Delaulne, 1715, p. 249.
1765 : Jean-Baptiste Crevier
Jean-Baptiste Crevier, Rhétorique française (1765), Paris, Saillant, 1767, 2 tomes, t. 2, p. 198-199.
1782 : Pierre Thomas Nicolas Hurtaut
P. T. N. Hurtaut, Manuale rhetorices ad usum studiosae juventutis academicae, Exemplis tum Oratoriis, tu Poeticis, editio tertia, Paris, chez l'auteur, 1782, troisième section "De Elocutione", chapitre II "De Sermonis Dignitate", "De figuris", "Figurae verborum", §1 "De figuris Repetitione constatibus", V I"De Gradatione", p. 210-212.
1872 : Colonia
Dominique De Colonia, De Arte rhetorica libri quinque, Lyon, apud Briday Bibliopolam, 1872, Liber Primus, chap. I, art. II, "De Figuris verborum", § II, "De Figuris verborum proprie dictis seu quae non sunt Tropi", I, "Figurae per adjectionem", p 101
Dictionnaires et encyclopédies
CN. voir Climax ou Incrementum
Furetière
Gradation, est aussi une figure de Rethorique, lors qu’on apporte des preuves montant par degrez et en disant des choses qui encherissent sur celles qu’on a desja dites.
Encyclopédie
[Grammaire]
Il se dit en général d’une disposition où les choses sont considérées, comme s’élevant les unes au-dessus des autres. Ce corps s’est formé par une gradation insensible.
[Logique]
En termes de Logique, signifie une argumentation qui consiste en plusieurs propositions arrangées, de façon que l’attribut de la premiere soit le sujet de la seconde, & que l’attribut de la seconde soit le sujet de la troisieme, & ainsi des autres, jusqu’à ce que le dernier attribut vienne à être affirmé du sujet de la premiere, comme dans l’arbre de porphyre. L’homme est un animal : un animal est une chose vivante : une chose vivante est un corps, un corps est une substance, donc l’homme est une substance.
Un argument de cette espece est susceptible d’une infinité d’erreurs qui peuvent naître de l’ambiguité des termes, dont un sophiste abuse ; comme dans celui-ci : Pierre est un homme, un homme est un animal, un animal est un genre, un genre est un des universaux, donc Pierre est un des universaux. Chambers.
[Poésie, Jaucourt]
Tableau gradué d’images & de sentimens, qui enchérissent les uns sur les autres ; c’est ainsi que l’on doit présenter les passions, en peignant avec art leurs commencemens, leurs progrès, leur force, & leur étendue ; je n’en citerai pour exemple que le fragment de Sapho sur l’amour ; il est si beau que trois grands poëtes, Catulle, Despréaux, & l’auteur anglois de l’hymne à Vénus, se sont disputé la gloire de le rendre de leur mieux, chacun dans leur langue. Me permettra-t-on d’insérer ici les trois traductions en faveur de leur élégance, & pour la satisfaction d’un grand nombre de lecteurs qui seront bien-aises de les comparer & de les juger ?
Ecoutons d’abord Catulle, il dit à Lesbie sa maîtresse :
Ille mi par esse Deo videtur,
Ille, si fas est superare divos,
Qui sedens adversûs identidem te
Spectat, & audit
Dulce ridentem ; misero quod omnes
Eripit sensus mihi ! nam simul te
Lesbia aspexi, nihil est super me
Quod loquar amens ;
Lingua sed torpet, tenuis sub artus
Flamma dimanat, sonitu suopte
Tinniunt aures, geminâ teguntur
Lumina nocte.
Voici maintenant la traduction de Despréaux.
Heureux qui près de toi, pour toi seule soupire,
Qui joüit du plaisir de t’entendre parler,
Qui te voit quelquefois doucement lui sourire,
Les Dieux dans leur bonheur peuvent-ils l’égaler ?
Je sens de veine en veine une subtile flamme,
Courir par tout mon corps sitôt que je te vois ;
Et dans les doux transports où s’égare mon ame,
Je ne saurois trouver de langue, ni de voix.
Un nuage confus se répand sur ma vûe,
Je n’entends plus, je tombe en de douces langueurs.
Et pâle, sans haleine, interdite, éperdue,
Un frisson me saisit, je tremble, je me meurs.
Enfin voici la traduction angloise.
Blest as th’immortal god is he
The jouth who fondly sets by thee,
And hears, and sees thee all the while,
Softly speak, and sweetly smile,
My bozom glowed, the subtle flame
Ran quick through all my vital frame,
O’er my dim eyes a darkness hung,
My ears with hollow murmurs rung.
In dewy damps my limbs were chill’d,
My blood with gentle horrors thrill’d,
My feeble pulze forgot to play,
I faint’d, sunk, and dy’d away.
Littré
Terme de rhétorique. Figure par laquelle on accumule plusieurs termes ou plusieurs idées qui enchérissent l’une sur l’autre.
Il fallait dire [dans l’ode de Boileau sur la prise de Namur] : Je vois nos cohortes s’ouvrir un large chemin à travers les débris des rochers, au milieu des armes brisées et sur des morts entassés ; alors il y aurait eu de la gradation, de la vérité et une image terrible. [Voltaire, Dictionnaire philosophique]