GRAVIS (STYLUS, CHARACTER) / GRAVE - SOLENNEL (STYLE, CARACTÈRE)
Définitions
Dictionnaires et encyclopédies
CN. [index de Du Cygne]
Furetière
Se dit figurément en Morale de ce qui est, majestueux, serieux, posé, comme si c’estoit un corps pesant et qui eust de la peine à se remuer. Les Princes, les Prelats, les Magistrats doivent estre graves. les Espagnols sont graves dés leur jeunesse.
On appelle un Auteur grave, celuy qui est de grand poids, de grande autorité dans quelque science : ce qui se dit particulierement en matiere de Theologie, de cas de conscience, et de Morale. C’est une grande question si l’autorité d’un Auteur grave peut rendre une opinion probable.
Encyclopédie
[Voltaire]
Grave, au sens moral, tient toûjours du Physique ; il exprime quelque chose de poids. C’est pourquoi on dit, un homme, un auteur, des maximes de poids, pour homme, auteur, maximes graves. Le grave est au sérieux ce que le plaisant est à l’enjoüé : il a un degré de plus ; & ce degré est considérable. On peut être sérieux par humeur, & même faute d’idées. On est grave ou par bienséance, ou par l’importance des idées qui donnent de la gravité. Il y a de la différence entre être grave & être un homme grave. C’est un défaut d’être grave hors de propos. Celui qui est grave dans la société est rarement recherché. Un homme grave est celui qui s’est concilié de l’autorité plus par sa sagesse que par son maintien.
Pietate gravem ac meritis si fortè virum quem.
L’air décent est nécessaire par-tout : mais l’air grave n’est convenable que dans les fonctions d’un ministere important, dans un conseil. Quand la gravité n’est que dans le maintien, comme il arrive très souvent, on dit gravement des inepties. Cette espece de ridicule inspire de l’aversion. On ne pardonne pas à qui veut en imposer par cet air d’autorité & de suffisance.
Le duc de la Rochefoucauld a dit que, la gravité est un mystere du corps inventé pour cacher les défauts de l’esprit. Sans examiner si cette expression, mystere du corps, est naturelle & juste, il suffit de remarquer que la reflexion est vraie pour tous ceux qui affectent la gravité, mais non pour ceux qui ont dans l’occasion une gravité convenable à la place qu’ils tiennent, au lieu où ils sont, aux matieres qu’on traite.
Un auteur grave est celui dont les opinions sont suivies dans les matieres contentieuses. On ne le dit pas d’un auteur qui a écrit sur des choses hors de doute. Il seroit ridicule d’appeller Euclide, Archimede, des auteurs graves.
Il y a de la gravité dans le style. Tite-Live, de Thou, ont écrit avec gravité. On ne peut pas dire la même chose de Tacite, qui a recherché la précision, & qui laisse voir de la malignité ; encore moins du cardinal de Retz, qui met quelquefois dans ses récits une gaieté déplacée, & qui s’écarte quelquefois des bienséances.
Le style grave évite les saillies, les plaisanteries ; s’il s’éleve quelquefois au sublime, si dans l’occasion il est touchant, il rentre bien-tôt dans cette sagesse, dans cette simplicité noble qui fait son caractere ; il a de la force, mais peu de hardiesse. Sa plus grande difficulté est de n’être point monotone.
Affaire grave, cas grave, se dit plûtôt d’une cause criminelle que d’un procès civil. Maladie grave suppose du danger.
Littré
Terme de littérature. Pensée, style grave.
Heureux qui dans ses vers sait d’une voix légère
Passer du grave au doux, du plaisant au sévère ! [Boileau, L’art poétique]