Dictionnaires et encyclopédies

Furetière

[Discours]

Expression faite de vive voix de ses pensées sur quelques points, sur quelques matieres qu’on veut faire entendre à plusieurs personnes. Il se dit tant des discours oratoires, que des entretiens familiers. Ce Predicateur a fait un discours fort moral sur l’humilité Chrêtienne. Il a meslé dans son discours un beau panegyrique du Roy. Les conversations des gens du commun ne sont que des discours frivoles, des discours interrompus et à perte de veuë. Cet indiscret luy est allé faire un discours fort impertinent. Des discours en l’air, ce sont des discours sans fondement et sans verité. Ce mot vient du Latin discursus. Nicod.

Discours, se dit aussi des pieces d’Eloquence, ou des Traitez par écrit. On apporte des Discours à l’Academie Françoise pour obtenir le prix d’Eloquence qu’elle propose. Les Discours Politiques et Moraux du Sr. de la Nouë ont été fort estimez.

 

[Oraison]

Signifie aussi une harangue, un discours estudié et poli qu’on prononce en public, ou qui est composé à ce dessein. On prononce des Oraisons funebres aux obseques des grands, qui contiennent leurs éloges. Val. Publicola fut le premier parmi les Romains qui fit une Oraison funebre aux obseques de Brutus. Au commencement on n’en fit que pour les hommes. Ensuitte on commença à en faire aussi pour la Dames, parce qu’elles avoient contribué genereusement de leurs joyaux pour faire un present que l’on vouloit envoyer à Delphes. Plutarque invita Camilla. Les Professeurs qui entrent en possession d’une chaire, ont coûtume de faire des Oraisons publiques et solemnelles. Les Regens de Rhetorique, font des Oraisons à leurs escoliers, au commencemens de l’année, et en quelques autres occasions. Les Anciens appelloient aussi Oraisons, les Playdoyers, et les Harangues qu’ils faisoient au peuple, et les autres compositions d’éloquence, comme les Oraisons d’Isocrate, de Demosthene, de Ciceron. En ce sens on dit en Rhetorique, qu’il y a cinq parties de l’Oraison, l’Exorde, la Narration, la confirmation, la Confutation, et la Peroraison.

 

Encyclopédie

[Mallet, Marmontel]

[Discours]

En général se prend pour tout ce qui part de la faculté de la parole, & est dérivé du verbe dicere, dire, parler ; il est genre par rapport à discours oratoire, harangue, oraison.

 

Discours, dans un sens plus strict, signifie un assemblage de phrases & de raisonnemens réunis & disposés suivant les regles de l’art, préparé pour des occasions publiques & brillantes : c’est ce qu’on nomme discours oratoire ; dénomination générique qui convient encore à plusieurs especes, comme au plaidoyer, au panégyrique, à l’oraison funebre, à la harangue, au discours académique, & à ce qu’on nomme proprement oraison, oratio, telles qu’on en prononce dans les colleges. (G)

 

Le plaidoyer est ou doit être l’application du droit au fait, & la preuve de l’un par l’autre : le sermon, une exhortation à quelque vertu, ou le développement de quelque vérité chrétienne ; le discours académique, la discussion d’un trait de morale ou de littérature ; la harangue, un hommage rendu au mérite en dignité ; le panégyrique, le tableau de la vie d’un homme recommandable par ses actions & par ses mœurs. Chez les Egyptiens les oraisons funebres faisoient trembler les vivans, par la justice sévere qu’elles rendoient aux morts : à la vérité les prêtres égyptiens loüoient en présence des dieux un roi vivant, des vertus qu’il n’avoit pas ; mais il étoit jugé après sa mort en présence des hommes, sur les vices qu’il avoit eus. Il seroit à souhaiter que ce dernier usage se fût répandu & perpétué chez toutes les nations de la terre : le même orateur loüeroit un roi d’avoir eu les vertus guerrieres, & lui reprocheroit de les avoir fait servir au malheur de l’humanité ; il loüeroit un ministre d’avoir été un grand politique, & lui reprocheroit d’avoir été un mauvais citoyen, &c. Voyez Éloge. M. Marmontel.

 

Les parties du discours, selon les anciens, étoient l’exorde, la proposition ou la narration, la confirmation ou preuve, & la peroraison. Nos plaidoyers ont encore retenu cette forme ; un court exorde y précede le récit des faits ou l’énoncé de la question de droit ; suivent les preuves ou moyens, & enfin les conclusions.

 

La méthode des scholastiques a introduit dans l’éloquence une autre sorte de division qui consiste à distribuer un sujet en deux ou trois propositions générales, qu’on prouve séparément en subdivisant les moyens ou preuves qu’on apporte pour l’éclaircissement de chacune de ces propositions : de-là on dit qu’un discours est composé de deux ou trois points. (G)

 

La premiere de ces deux méthodes est la plus générale, attendu qu’il y a peu de sujets où l’on n’ait besoin d’exposer, de prouver & de conclure ; la seconde est reservée aux sujets compliqués : elle est inutile dans les sujets simples, & dont toute l’etendue peut être embrassée d’un coup d’œil. Une division superflue est une affectation puérile. Voyez Division. M. Marmontel.

 

Le discours, dit M. l’abbé Girard dans ses synonymes françois, s’adresse directement à l’esprit ; il se propose d’expliquer & d’instruire : ainsi un académicien prononce un discours, pour développer ou pour soûtenir un système ; sa beauté est d’être clair, juste & élégant. Voyez Diction, &c.

 

Accordons à cet auteur que ses notions sont exactes, mais en les restreignant aux discours académiques, qui ayant pour but l’instruction, sont plûtôt des écrits polémiques & des dissertations, que des discours oratoires. Il ne fait dans sa définition nulle mention du cœur, ni des passions & des mouvemens que l’orateur doit y exciter. Un plaidoyer, un sermon, une oraison funebre, sont des discours, & ils doivent être touchans, selon l’idée qu’on a toûjours eue de la véritable éloquence. On peut même dire que les discours de pur ornement, tels que ceux qui se prononcent à la reception des académiciens, ou les éloges académiques, n’excluent pas toute passion ; qu’ils se proposent d’en exciter de douces, telles que l’estime & l’admiration pour les sujets que les académies admettent parmi leurs membres ; le regret pour ceux qu’elles ont perdus ; l’admiration & la reconnoissance de leurs travaux & de leurs vertus. Voyez Éloquence, Oraison, Rhétorique.

 

[Jaucourt]

[Oraison]

Le mot oraison est d’une signification fort étendue, si l’on en considere seulement l’étymologie ; il désigne toute pensée exprimée par le discours, ore ratio expressa. C’est dans ce sens qu’il est employé par les Grammairiens. Ici il désigne un discours préparé avec art, pour opérer la persuasion.

 

Il faut observer qu’il y a une grande différence entre le talent de l’oraison & l’art qui aide à le former. Le talent s’appelle éloquence, l’art, rhétorique : l’un produit, l’autre juge : l’un fait l’orateur, l’autre ce qu’on nomme le rheteur.

 

Toutes ces questions, dans lesquelles la persuasion peut avoir lieu, sont du ressort de l’éloquence. On les réduit ordinairement à trois genres, dont le premier est le genre démonstratif ; le second, le genre délibératif ; le troisieme, le genre judiciaire. Le premier a pour objet sur tout le présent ; le second, l’avenir ; le troisieme, le passé. Dans le démonstratif, on blâme, on loue. Dans le délibératif, on engage à agir, ou à ne pas agir. Dans le judiciaire, on accuse, on défend.

 

Le genre démonstratif renferme donc les panégyriques, les oraisons funebres, les discours académiques, les complimens faits aux rois & aux princes, &c. Il s’agit dans ces occasions de recueillir tout ce qui peut faire honneur & plaire à la personne qu’on loue.

 

Dans le genre démonstratif, on préconise la vertu ; on la conseille dans le genre délibératif, & on montre les raisons pour lesquelles on doit l’embrasser. Il ne s’agit pas dans le genre délibératif d’étaler des graces, de chatouiller l’oreille, de flatter l’imagination ; c’est une éloquence de service, qui rejette tout ce qui a plus d’éclat que de solidité. Qu’on entende Démosthene, lorsqu’il donne son avis au peuple d’Athènes, délibérant s’il déclarera la guerre à Philippe : cet orateur est riche, il est pompeux ; mais il ne l’est que par la force de son bon sens.

 

Dans le genre judiciaire, l’orateur fixe l’état de la question ; il a pour objet ou le fait, ou le droit, ou le nom ; car, dans ce genre, il s’agit toujours d’un tort ou réel, ou prétendu réel.

 

Mais ces trois genres ne font pas tellement séparés les uns des autres, qu’ils ne se réunissent jamais. Le contraire arrive dans presque toutes les oraisons. Que sont la plûpart des éloges & des panégyriques, sinon des exhortations à la vertu ? On loue les saints & les héros pour échauffer notre cœur, & ranimer notre foiblesse. On délibere sur le choix d’un général : l’éloge de Pompée déterminera les suffrages en sa faveur. On prouve qu’il faut mettre Archias au nombre des citoyens romains, pourquoi ? Parce qu’il a un génie qui fera honneur à l’empire. Il faut déclarer la guerre à Philipe, pourquoi encore ? Parce que c’est un voisin dangereux, dont les forces, si on ne les arrête, deviendront funestes à la liberté commune des Grecs. Il n’y a pas jusqu’au genre judiciaire, qui ne rentre en quelque sorte dans le délibératif, puisque les juges sont entre la négative & l’affirmative, & que les plaidoyers des Avocats ne sont que pour fixer leur incertitude, & les attacher au parti le plus juste. En un mot, l’honnêteté, l’utilité, l’équité, qui sont les trois objets de ces trois genres, rentrent dans le même point, puisque tout ce qui est vraiment utile est juste & honnête, & réciproquement ; ce n’est pas sans raison que quelques rhéteurs modernes ont pris la liberté de regarder comme peu fondée cette division célebre dans la Rhétorique des anciens.

 

Littré

[Oraison]

2. Dans le langage didactique, ouvrage d’éloquence composé pour être prononcé en public. Une oraison dans le genre démonstratif. L’exorde est une des parties de l’oraison.

 

Nom que l’on donne aux discours des anciens orateurs grecs et latins. Les oraisons de Démosthène, de Cicéron.

L’on n’a guère vu jusqu’à présent un chef-d’œuvre d’esprit qui soit l’ouvrage de plusieurs : Homère a fait l’Iliade… et l’orateur romain ses oraisons. [La Bruyère, I]

 

Oraison funèbre, discours d’éloge, prononcé après la mort d’un personnage.

Ne vous a-t-on pas envoyé l’oraison funèbre de M. de Turenne [par Mascaron] ? M. de Coulanges et le petit cardinal m’ont déjà ruinée en ports de lettres, mais j’aime bien cette dépense : il me semble n’avoir jamais rien vu de si beau que cette pièce d’éloquence ; on dit que l’abbé Fléchier veut la surpasser, mais je l’en défie ; il pourra parler d’un héros, mais ce ne sera pas de M. de Turenne ; et voilà ce que M. de Tulle [Mascaron] a fait divinement à mon gré. [Sévigné, 242]

 

Menteur comme un compliment, comme une oraison funèbre, se dit de quelqu’un qui ment, de quelque chose qui est un mensonge.

 

Fig.

Et afin qu’il [un calomniateur] soit cru charitable, dans le moment même qu’il assassine, il ne tue personne dont premièrement il ne fasse l’oraison funèbre. [Guez de Balzac, Ariste, ou De la cour]

 

[Discours]

4. Terme de grammaire. La suite des mots ou des phrases, en tant qu’ils expriment nos pensées.

 

Les dix parties du discours, les différentes espèces de mots.

 

Terme de rhétorique. Le discours familier, le parler familier. Le discours écrit, le parler tel qu’il est quand, écrivant, on soigne la diction.

 

5. Ce qui, dit en public, traite d’un sujet avec une certaine méthode, et une certaine longueur. Prononcer un discours. Un discours éloquent. Ce discours fit une vive impression sur l’assemblée.

… Ce discours un peu fort

Doit commencer à vous déplaire. [La Fontaine, Fables]

 

Discours en vers, nom donné par Voltaire et depuis par tout le monde à une sorte de dissertation en vers sur un sujet ordinairement moral, comme l’égalité des conditions, le bonheur, etc.

 

Se dit aussi d’ouvrages en prose. Discours sur les passions de l’amour, par Pascal. C’est à peu près ce que nous intitulons Essai aujourd’hui.

 

Composition que l’on donne dans les colléges et qui consiste à développer en latin ou en français une esquisse dictée par le maître et relative au discours d’un personnage connu en une circonstance donnée. Au concours général, le prix d’honneur est attaché au discours latin.