ANALOGIA / ANALOGIE
Définitions
94 : Quintilien
Quintilien, De l’Institution de l’orateur, trad. Nicolas Gédoyn, Paris, Grégoire Dupuis, 1718, livre cinquième, chapitre XI, « Des Exemples. », p. 326-327.
1712 : Bernard Lamy
Bernard Lamy, La Rhétorique ou l’Art de parler (5ème éd., 1712), éd. Ch. Noille-Clauzade (1998), Paris, Florentin Delaulne, 1715, p. 95-96.
1816 : Gaspard Gilbert Delamalle
Gaspard Gilbert Delamalle, Essai d’institutions oratoires à l’usage de ceux qui se destinent au barreau, Paris, Delaunay, 1816, t. I, p. 145-192.
Dictionnaires et encyclopédies
CN. [Vossius]
Furetière
Terme dogmatique. Rapport, ou proportion, ou convenance que quelques choses ont ensemble. Le taureau terrestre et le taureau celeste ne se ressemblent que par analogie. Les raisonnements qui se font par analogie servent à expliquer la chose, et ne la prouvent point. En Grammaire l’usage est souvent contraire à l’analogie des mots. Ce mot est derivé du Grec, où il signifie la même chose.
Encyclopédie
[Dumarsais, Yvon]
Terme abstrait : ce mot est tout Grec, ἀναλογία. Cicéron dit que puisqu’il se sert de ce mot en Latin, il le traduira par comparaison, rapport de ressemblance entre une chose & une autre :
ἀναλογία, latinè (audendum est enim, quoniam hœc primum à nobis novantur) comparatio, proportio-ve dici potest. Cic.
Analogie signifie donc la relation, le rapport ou la proportion que plusieurs choses ont les unes avec les autres, quoique d’ailleurs différentes par des qualités qui leur sont propres. Ainsi le pié d’une montagne a quelque chose d’analogue avec celui d’un animal, quoique ce soient deux choses très-différentes.
Il y a de l’analogie entre les êtres qui ont entre eux certains rapports de ressemblance, par exemple, entre les animaux & les plantes : mais l’analogie est bien plus grande entre les especes de certains animaux avec d’autres especes. Il y a aussi de l’analogie entre les métaux & les végétaux.
Les scholastiques définissent l’analogie, une ressemblance jointe à quelque diversité. Ils en distinguent ordinairement de trois sortes ; savoir une d’inégalité, où la raison de la dénomination commune est la même en nature, mais non pas en degré ou en ordre ; en ce sens animal est analogue à l’homme & à la brute : une d’attribution, où quoique la raison du nom commun soit la même, il se trouve une différence dans son habitude ou rapport ; en ce sens salutaire est analogue tant à l’homme qu’à un exercice du corps : une enfin de proportion, où quoique les raisons du nom commun different réellement, toutefois elles ont quelque proportion entre elles ; en ce sens les ouies des poissons sont dites être analogues aux poumons dans les animaux terrestres. Ainsi l’œil & l’entendement sont dits avoir analogie, ou rapport l’un à l’autre.
En matiere de langage, nous disons que les mots nouveaux sont formés par analogie, c’est-à-dire, que des noms nouveaux sont donnés à des choses nouvelles, conformément aux noms déjà établis d’autres choses, qui sont de même nature & de même espece. Les obscurités qui se trouvent dans le langage, doivent surtout être éclaircies par le secours de l’analogie.
L’analogie est aussi un des motifs de nos raisonnemens ; je veux dire qu’elle nous donne souvent lieu de faire certains raisonnemens, qui d’ailleurs ne prouvent rien, s’ils ne sont fondés que sur l’analogie. Par exemple, il y a dans le ciel une constellation qu’on appelle lion ; l’analogie qu’il y a entre ce mot & le nom de l’animal, qu’on nomme aussi lion, a donné lieu à quelques Astrologues de s’imaginer que les enfans qui naissoient sous cette constellation étoient d’humeur martiale : c’est une erreur.
On fait en Physique des raisonnemens très-solides par analogie. Ce sont ceux qui sont fondés sur l’uniformité connue, qu’on observe dans les opérations de la nature ; & c’est par cette analogie que l’on détruit les erreurs populaires sur le phénix, le rémora, la pierre philosophale & autres.
Les préjugés dont on est imbu dans l’enfance, nous donnent souvent lieu de faire de fort mauvais raisonnemens par analogie.
Les raisonnemens par analogie peuvent servir à expliquer & à éclaircir certaines choses, mais non pas à les démontrer. Cependant une grande partie de notre Philosophie n’a point d’autre fondement que l’analogie. Son utilité consiste en ce qu’elle nous épargne mille discussions inutiles, que nous serions obligés de répéter sur chaque corps en particulier. Il suffit que nous sachions que tout est gouverné par des lois générales & constantes, pour être fondés à croire que les corps qui nous paroissent semblables, ont les mêmes propriétés, que les fruits d’un même arbre ont le même goût, &c.
Une analogie tirée de la ressemblance extérieure des objets, pour en conclurre leur ressemblance intérieure, n’est pas une regle infaillible : elle n’est pas universellement vraie, elle ne l’est que ut plurimùm ; ainsi l’on en tire moins une pleine certitude, qu’une grande probabilité. On voit bien en général qu’il est de la sagesse & de la bonté de Dieu de distinguer par des caracteres extérieurs les choses intérieurement différentes. Ces apparences sont destinées à nous servir d’étiquette pour suppléer à la foiblesse de nos sens, qui ne pénetrent pas jusqu’à l’intérieur des objets : mais quelquefois nous nous méprenons à ces étiquettes. Il y a des plantes venimeuses qui ressemblent à des plantes très-salutaires. Quelquefois nous sommes surpris de l’effet imprévu d’une cause, d’où nous nous attendions à voir naître un effet tout opposé : c’est qu’alors d’autres causes imperceptibles s’étant jointes avec cette premiere à notre insu, en changent la détermination. Il arrive aussi que le fond des objets n’est pas toûjours diversifié à proportion de la dissemblance extérieure. La regle de l’analogie n’est donc pas une regle de certitude, puisqu’elle a ses exceptions. Il suffit au dessein du Créateur, qu’elle forme une grande probabilité, que ses exceptions soient rares, & d’une influence peu étendue. Comme nous ne pouvons pénétrer par nos sens jusqu’à l’intérieur des objets, l’analogie est pour nous ce qu’est le témoignage des autres, quand ils nous parlent d’objets que nous n’avons ni vûs, ni entendus. Ce sont là deux moyens que le Créateur nous a laissés pour étendre nos connoissances. Détruisez la force du témoignage, combien de choses que la bonté de Dieu nous a accordées, dont nous ne pourrions tirer aucune utilité ! Les seuls sens ne nous suffisent pas : car quel est l’homme du monde qui puisse examiner par lui-même toutes les choses qui sont nécessaires à la vie? Par conséquent dans un nombre infini d’occasions, nous avons besoin de nous instruire les uns les autres, & de nous en rapporter à nos observations mutuelles. Ce qui prouve en passant, que le témoignage, quand il est revêtu de certaines conditions, est le plus souvent une marque de la vérité ; ainsi que l’analogie tirée de la ressemblance extérieure des objets, pour en conclurre leur ressemblance intérieure, en est le plus souvent une regle certaine. Voyez l’article Connoissance, où ces réflexions sont plus étendues.
En matiere de foi on ne doit point raisonner par analogie ; on doit se tenir précisément à ce qui est révélé, & regarder tout le reste comme des effets naturels du méchanisme universel dont nous ne connoissons pas la manœuvre. Par exemple, de ce qu’il y a eu des démoniaques, je ne dois pas m’imaginer qu’un furieux que je vois soit possédé du démon ; comme je ne dois pas croire que ce qu’on me dit de Léda, de Sémelé, de Rhéa-Sylvia, soit arrivé autrement que selon l’ordre de la nature. En un mot Dieu comme auteur de la nature, agit d’une maniere uniforme. Ce qui arrive dans certaines circonstances, arrivera toûjours de la même maniere quand les circonstances seront les mêmes ; & lorsque je ne vois que l’effet sans que je puisse découvrir la cause, je dois reconnoître ou que je suis ignorant, ou que je suis trompé, plûtôt que de me tirer de l’ordre naturel. Il n’y a que l’autorité spéciale de la divine révélation qui puisse me faire recourir à des causes surnaturelles. Voyez le I. chapitre de l’Evangile de saint Matthieu, V. 19. & 20. où il paroît que S. Joseph garda la conduite dont nous parlons.
En Grammaire l’analogie est un rapport de ressemblance ou d’approximation qu’il y a entre une lettre & une autre lettre, ou bien entre un mot & un autre mot, ou enfin entre une expression, un tour, une phrase, & un autre pareil. Par exemple, il y a de l’analogie entre le B & le P. Leur différence ne vient que de ce que les levres sont moins serrées l’une contre l’autre dans la prononciation du B ; & qu’on les serre davantage lorsqu’on veut prononcer P. Il y a aussi de l’analogie entre le B & le V. Il n’y a point d’analogie entre notre on dit & le dicitur des Latins, ou si dice des Italiens : ce sont-là des façons de parler propres & particulieres à chacune de ces langues. Mais il y a de l’analogie entre notre on dit & le man sagt des Allemands : car notre on vient de homo, & man sagt signifie l’homme dit ; man kan, l’homme peut. L’analogie est d’un grand usage en Grammaire pour tirer des inductions touchant la déclinaison, le genre & les autres accidens des mots.
Littré
1. Rapport, similitude entre plusieurs choses différentes. Il y a de l’analogie entre le cheval et l’âne.
Raisonner par analogie, former un raisonnement fondé sur les rapports ou sur les ressemblances en tant qu’elles indiquent des rapports.
2. Rapport que les mots ont entre eux par leur formation. Le mot passionné est formé de passion par la même analogie qu’affectionné est formé d’affection.
3. En termes de mathématiques, rapport, proportion. Il y a la même analogie entre 2 et 3 qu’entre 6 et 9. Vieux en ce sens.
4. En philosophie, procédé de l’esprit qui s’élève, par l’observation des rapports, à la raison de ces rapports.
Analogie prochaine, la perception actuelle de la similitude, de la ressemblance de deux ou plusieurs choses présentes ; analogie éloignée, celle par laquelle, étant connu le rapport de deux faits, nous concluons l’existence de l’un de l’existence de l’autre.
En elle-même, l’analogie n’est que la somme des rapports avec les choses connues. [Buffon, Homme, arithm. morale.]