SENTENTIA / SENTENCE - PENSÉE - ÉNONCÉ MÉMORABLE
Définitions
325 av. J.-C. : Aristote
Aristote, De Arte Rhetorica libri tres, trad. lat. Marcantonio Majoragio (1514-1555? 1e éd. d'extraits : Paolo Beni 1524? Ie éd. intégrale 1550), Padoue, Presses du Séminaire, 1689, liber II, caput XXII, « De sententiis, de earum speciebus, usu, atque utilitate », p. 275-283.
325 av. J.-C. : Aristote
Aristote, Rhétorique, trad. François Cassandre, 1re éd. 1654, La Haye, Isaac Vaillant, 1718, livre second, chap. XXI, « Des Sentences », p.294-303.
94 : Quintilien
Quintilien, De l’Institution de l’orateur, trad. Nicolas Gédoyn, Paris, Grégoire Dupuis, 1718, livre huitième, chap. V, « De ce que l'on appelle pensées ingénieuses, pointes, & sentences », p. 533-541.
1660 : Bary
René Bary, La Rhetorique Francoise Ou L'On Trouve de nouveaux Exemples sur les Passions & sur les Figures. Ou l'On Traite à Fonds de la Matière des Genres Oratoires, Paris, Pierre le Petit, 1660, troisième partie, « De la sentence, ou de la continuation », p. 459
1662 : Jacques du Roure
Jacques Du Roure, La Rhétorique française nécessaire à tous ceux qui veulent parler, ou écrire comme il faut et faire ou juger : des discours familiers, des lettres, des harangues, des plaidoyers, et des prédications, Paris, chez l’Auteur, 1662, Troisième partie, p. 26, 30-33.
1689 : Étienne Dubois de Bretteville
Étienne Dubois de Bretteville, L’Éloquence de la chaire et du barreau selon les principes les plus solides de la rhétorique sacrée et profane, Paris, Denys Thierry, 1689, p. 299-300
1710 : Joseph de Jouvancy
Joseph de Jouvancy, L’Élève de rhétorique (Candidatus rhetoricae, 1e éd. 1710, 1e trad. 1892), édité par les équipes RARE et STIH sous la direction de D. Denis et Fr. Goyet, Paris, Classiques Garnier, 2019, cinquième partie, "Exercices préparatoires < d'Aphthonius >", III. "Troisième exercice préparatoire, De la sentence ou maxime", p. 356-361.
1712 : Bernard Lamy
Bernard Lamy, La Rhétorique ou l’Art de parler (5ème éd., 1712), éd. Ch. Noille-Clauzade (1998), Paris, Florentin Delaulne, 1715, p. 161-162.
1718 : Quintilien
Quintilien, De l'institution de l'orateur, Ie siècle ap. J-C ; trad. M l'Abbé Gedoyn, Chanoine de la Ste Chapelle de Paris, de l'Académie Royale des Inscriptions, & belles Lettres, Paris, Gregoire Dupuis, 1718, livre VIII, chap. V "De ce que l’on appelle pensées ingénieuses, pointes, et sentences", p 533-541
1765 : Jean-Baptiste Crevier
Jean-Baptiste Crevier, Rhétorique française (1765), Paris, Saillant, 1767, 2 tomes, t. 1, p. 266-267 ; t. 2, p. 245-251.
1782 : Pierre Thomas Nicolas Hurtaut
P. T. N. Hurtaut, Manuale rhetorices ad usum studiosae juventutis academicae, Exemplis tum Oratoriis, tu Poeticis, editio tertia, Paris, chez l'auteur, 1782, troisième section "De Elocutione", chapitre II "De Sermonis Dignitate", "De figuris","Figurae sententiarum", "De Sententiâ, gallice la Pensée", p.224-225 et Tractatus de fabula seu narratione, Gallicé le Récit, chapitre II "De ornamentis narrationis", articulus III "De sententiis", p. 370-372.
1872 : Colonia
Dominique De Colonia, De Arte rhetorica libri quinque, Lyon, apud Briday Bibliopolam, 1872, chap. I, art. I "De sententiis", p.7-10
Dictionnaires et encyclopédies
CN. [trad. Hurtaut] Pensée
CN. Un des Progymnasmata
Furetière
Dit notable, parole qui porte un grand sens, une belle moralité ; apophthegme dit par quelque grand homme. Les Proverbes de Salomon sont toutes sentences. Ces belles maximes qui sont dans les Poëtes et les Historiens sont marquées comme sentences en gros caracteres, afin qu’on les retienne mieux. C’est un homme excellent qui ne parle que par sentences, tout ce qu’il dit porte sentence. Lycosthene a fait un gros Livre et Recueil des Sentences des Anciens en forme de Lieux communs. On appelle en Theologie Pierre Lombard, le Maistre des Sentences.
Encyclopédie
[Jaucourt]
(Art orat.) Le mot de sententia chez les anciens latins, signifioit tout ce que l’on a dans l’ame, tout ce que l’on pense : outre qu’il est pris le plus souvent en ce sens dans les orateurs, nous voyons encore des restes de cette premiere signification dans l’usage ordinaire ; car si nous affirmons quelque chose avec serment, ou si nous félicitons quelqu’un d’un heureux succès, nous employons ce terme en latin ex animi sententiâ, pour marquer que nous parlons sincèrement & selon notre pensée. Cependant le mot de sensa étoit aussi employé assez communément dans le même sens. Pour celui de sensus, je croi qu’il étoit uniquement affecté au corps ; mais l’usage a changé. Les conceptions de l’esprit sont présentement appellées sensus ; & nous avons donné le nom de sententiœ à ces pensées ingénieuses & brillantes que l’on affecte particulierement de placer à la fin d’une période par un goût particulier à notre siecle. Autrefois on en étoit moins curieux ; aujourd’hui on s’y livre avec excès & sans bornes. C’est pourquoi je croi devoir en distinguer les différentes especes, & dire quelque chose de l’usage qu’on en peut faire.
Les pensées brillantes ou solides les plus connues de l’antiquité, sont celles que les Grecs & les Latins appellent proprement des sentences. Encore que le mot de sententia soit un nom générique, il convient néanmoins plus particulierement à celles-ci ; parce qu’elles sont regardées comme autant de conseils, ou pour mieux dire, comme autant d’arrêts en fait de mœurs. Je définis donc une sentence, une pensée morale qui est universellement vraie & louable, même hors du sujet auquel on l’applique. Tantôt elle se rapporte seulement à une chose, comme celle-ci :
Rien ne gagne tant les cœurs que la bonté.
Et tantôt à une personne, comme cette autre de Domitius Afer :
Un prince qui veut tout connoître, est dans la nécessité de pardonner bien des choses.
Quelques-uns ont dit que la sentence étoit une partie de l’enthymème ; d’autres que c’étoit le commencement ou le couronnement & la fin de l’épicherème, ce qui est vrai quelquefois, mais non pas toujours. Sans m’arrêter à ces minuties, je distingue trois sortes de sentences ; les unes simples, comme celle que j’ai rapporté la premiere ; les autres qui contiennent la raison de ce qu’elles disent, comme celle-ci,
Dans toutes les querelles, le plus fort, encore qu’il soit l’offensé, paroît toujours l’offenseur, par cette raison même qu’il est le plus fort.
Les autres doubles ou composées, comme :
la complaisance nous fait des amis, & la franchise des ennemis.
Il y a des auteurs qui en comptent jusqu’à dix sortes, sur ce principe qu’on peut les énoncer par interrogation, par comparaison, par admiration, par similitude, &c. Mais en suivant ce principe, il en faudroit admettre un nombre encore plus considérable, puisque toutes les figures peuvent servir à les exprimer. Un genre des plus remarquables, est celui qui naît de la diversité de deux choses, par exemple :
la mort n’est point un mal, mais les approches de la mort sont fâcheuses.
Quelquefois on énonce une sentence d’une maniere simple & directe, comme :
l’avare manque autant de ce qu’il a que de ce qu’il n’a pas ; & quelquefois par une figure, ce qui lui donne encore plus de force. Par exemple, quand je dis : Est-ce donc un si grand mal que de mourir ? On sent bien que cette pensée est plus forte, que si je disois tout simplement : la mort n’est point un mal.
Il en est de même quand une pensée vague & générale devient propre & particuliere par l’application que l’on en fait. Ainsi, au lieu de dire en général :
Il est plus aisé de perdre un homme que de le sauver.
Médée s’exprime plus vivement dans Ovide, en disant :
Moi qui l’ai pu sauver, je ne le pourrai perdre ?
Cicéron applique ces sortes de pensées à la personne, par un tour encore plus régulier, quand il dit :
Pouvoir sauver des malheureux, comme vous le pouvez, c’est ce qu’il y a, César, & de plus grand dans le haut degré d’élevation où vous êtes, & de meilleur parmi les excellentes qualités que nous admirons en vous ;
car il attribue à la personne de César ce qui semble appartenir aux choses.
Quant à l’usage de ces especes de sentences, ce qu’il y faut observer, c’est qu’elles ne soient ni trop fréquentes, ni visiblement fausses, comme il arrive quand on s’imagine pouvoir les employer indifféremment par-tout ; ou quand on regarde comme indubitable tout ce qui paroît favoriser notre cause. C’est enfin, de prendre garde si elles ont bonne grace dans notre bouche ; car il ne convient pas à tout le monde de parler par sentences. Il faut que l’importance des choses soit soutenue de l’autorité de la personne. Toutes ces judicieuses réflexions sont de Quintilien.
Cicéron dans son dialogue des orateurs, a aussi donné plusieurs regles sur les sentences. Il seroit trop long de les répéter ; outre qu’en géneral, il est établi que les plus courtes sentences plaisent le plus ; cependant celle-ci, quoique longue, a paru à des critiques digne d’être proposée pour exemple : Lucain s’arrête dans la rapidité de sa narration sur l’erreur des Gaulois qui croyoient que les ames ne sortoient d’un corps, que pour rentrer’dans un autre, & dit, selon la traduction de M. de Brebeuf :
Officieux mensonge, agréable imposture!
La frayeur de la mort, des frayeurs la plus dure,
N’a jamais fait pâlir ces fieres nations
Qui trouvent leur repos dans leurs illusions ;
De-là naît dans leur cœur cette bouillante envie,
D’affronter une mort qui donne une autre vie,
De braver les périls, de chercher les combats,
Où l’on se voit renaître au milieu des trépas.
Littré
Parole qui renferme un grand sens, une pensée morale.
Les saints disent en parlant des choses divines, qu’il faut les aimer pour les connaître, et qu’on n’entre dans la vérité que par la charité ; dont ils ont fait une de leurs plus utiles sentences. [Pascal, De l’esprit géométrique]