STYLUS / STYLE
Définitions
94 : Quintilien
Quintilien, De l’Institution de l’orateur, trad. Nicolas Gédoyn, Paris, Grégoire Dupuis, 1718, livre dixième, chap. III, « De quelle maniere il faut écrire », p. 681-686 ; livre douzième, chap. X, « Quel genre d'Eloquence l'Orateur doit employer », p. 837-839 et 847-851.
1660 : Bary
René Bary, La Rhetorique Francoise Ou L'On Trouve de nouveaux Exemples sur les Passions & sur les Figures. Ou l'On Traite à Fonds de la Matière des Genres Oratoires, Paris, Pierre le Petit, 1660, troisième partie, « Petites obervsations sur le style », p. 335
1662 : Jacques du Roure
Jacques Du Roure, La Rhétorique française nécessaire à tous ceux qui veulent parler, ou écrire comme il faut et faire ou juger : des discours familiers, des lettres, des harangues, des plaidoyers, et des prédications, Paris, chez l’Auteur, 1662, Troisième partie, p. 21, 38-40.
1689 : Étienne Dubois de Bretteville
Étienne Dubois de Bretteville, L’Éloquence de la chaire et du barreau selon les principes les plus solides de la rhétorique sacrée et profane, Paris, Denys Thierry, 1689, p. 311-314
1765 : Jean-Baptiste Crevier
Jean-Baptiste Crevier, Rhétorique française (1765), Paris, Saillant, 1767, 2 tomes, t. 1, p. 267-269 ; t. 2, p. 280-283 ; t. 2, p. 319-323.
1782 : Pierre Thomas Nicolas Hurtaut
P. T. N. Hurtaut, Manuale rhetorices ad usum studiosae juventutis academicae, Exemplis tum Oratoriis, tu Poeticis, editio tertia, Paris, chez l'auteur, 1782, troisième section "De Elocutione", chapitre I "De sermonis Elegantia", "De stylo", p. 161 et p. 168-170, et Tractatus de fabula seu narratione, Gallicé le Récit, chapitre II "De stylo", p. 382-394.
1837 : Joseph Victor Le Clerc
Joseph-Victor Le Clerc, Nouvelle Rhétorique, extraite des meilleurs écrivains anciens et modernes, suivie d'Observations sur les matières de composition dans les classes de rhétorique, et d’une Série de Questions à l’usage de ceux qui se préparent aux Examens dans les Collèges royaux et à la Faculté des Lettres, Bruxelles, Société belge de librairie, etc., Hauman, Cattoir et comp°, 1837 (1ère éd. 1823)
1872 : Colonia
Dominique De Colonia, De Arte rhetorica libri quinque, Lyon, apud Briday Bibliopolam, 1872, Liber Primus, chap. III, " De Stylo oratorio", p 120-130
Dictionnaires et encyclopédies
Furetière
Signifie principalement la façon particuliere d’expliquer ses pensées, ou d’escrire, qui est differente, selon les Auteurs, et les matieres. Il y a le stile relevé ou sublime, dont on use dans les actions publiques ; le stile mediocre ou familier, dont on se sert en conversation ; et le stile bas ou populaire, dont on use dans le comique, ou le burlesque.
On dit aussi un stile pompeux et magnifique, qui frise souvent le galimathias ; un stile fleuri, ou galant ; un stile historique, un stile coulant, uniforme, qui convient à la narration. On dit aussi, qu’un Auteur n’a point de stile, quand il n’a pas l’art de bien ranger ses paroles, de bien exprimer ses pensées.
On appelle un stile couppé ou Laconique, et serré, celuy où on use de peu de paroles ; stile diffus, ou Asiatique, qui est lasche, abondant en paroles inutiles. Ce mot en ce sens vient de stilus, qui signifioit en Latin le poinçon dont on se servoit à escrire.
Encyclopédie
[Jaucourt]
Maniere d’exprimer ses pensées de vive voix, ou par écrit : les mots étant choisis & arrangés selon les lois de l’harmonie & du nombre, relativement à l’élévation ou à la simplicité du sujet qu’on traite, il en résulte ce qu’on appelle style.
Ce mot signifioit autrefois l’aiguille dont on se servoit pour écrire sur les tablettes enduites de cire. Cette aiguille étoit pointue par un bout, & applatie par l’autre, pour effacer quand on le vouloit : c’est ce qui a fait dire à Horace, sœpe stylum vertas, effacez souvent. Il se prend aujourd’hui pour la maniere, le ton, la couleur qui regne sensiblement dans un ouvrage ou dans quelqu’une de ses parties.
Il y a trois sortes de styles, le simple, le moyen & le sublime, ou plutôt le style élevé.
Le style simple s’emploie dans les entretiens familiers, dans les lettres, dans les fables. Il doit être pur, clair, sans ornement apparent. Nous en développerons les caracteres ci-après.
Le style sublime est celui qui fait regner la noblesse, la dignité, la majesté dans un ouvrage. Toutes les pensées y sont nobles & élevées : toutes les expressions graves, sonores, harmonieuses, &c.
Le style sublime & ce qu’on appelle le sublime, ne sont pas la même chose. Celui-ci est tout ce qui enleve notre ame, qui la saisit, qui la trouble tout-à-coup : c’est un éclat d’un moment. Le style sublime peut se soutenir long-tems : c’est un ton élevé, une marche noble & majestueuse.
J’ai vu l’impie adoré sur la terre :
Pareil au cedre, il portoit dans les cieux
Son front audacieux :
Il sembloit à son gré gouverner le tonnerre,
Fouloit aux piés ses ennemis vaincus :
Je n’ai fait que passer, il n’étoit déja plus.
Les cinq premiers vers sont du style sublime, sans être sublimes, & le dernier est sublime sans être du style sublime.
Le style médiocre tient le milieu entre les deux : il a toute la netteté du style simple, & reçoit tous les ornemens & tout le coloris de l’élocution.
Ces trois sortes de styles se trouvent souvent dans un même ouvrage, parce que la matiere s’élevant & s’abaissant, le style qui est comme porté sur la matiere, doit s’élever aussi & s’abaisser avec elle. Et comme dans les matieres tout se tient, se lie par des nœuds secrets, il faut aussi que tout se tienne & se lie dans les styles. Par conséquent il faut y ménager les passages, les liaisons, affoiblir ou fortifier insensiblement les teintes, à-moins que la matiere ne se brisant tout-d’un-coup & devenant comme escarpée, le style ne soit obligé de changer aussi brusquement. Par exemple, lorsque Crassus plaidant contre un certain Brutus qui deshonoroit son nom & sa famille, vit passer la pompe funebre d’une de ses parentes qu’on portoit au bucher, il arrêta le corps, & adressant la parole à Brutus, il lui fit les plus terribles reproches :
Que voulez-vous que Julie annonce à votre pere, à tous vos ayeux, dont vous voyez porter les images ?
Que dira-t-elle à ce Brutus qui nous a délivré de la domination des rois &c ?
Il ne s’agissoit pas alors de nuances ni de liaisons fines. La matiere emportoit le style, & c’est toujours à lui de la suivre.
Comme on écrit en vers ou en prose, il faut d’abord marquer quelle est la différence de ces deux genres de style. La prose toujours timide, n’ose se permettre les inversions qui font le sel du style poétique. Tandis que la prose met le régissant avant le régime, la poésie ne manque pas de faire le contraire. Si l’actif est plus ordinaire dans la prose, la poésie le dédaigne, & adopte le passif. Elle entasse les épithetes, dont la prose ne se pare qu’avec retenue : elle n’appelle point les hommes par leurs noms, c’est le fils de Pélée, le berger de Sicile, le cygne de Dircée. L’année est chez elle le grand cercle, qui s’acheve par la révolution des mois. Elle donne un corps à tout ce qui est spirituel, & la vie à tout ce qui ne l’a point. Enfin le chemin dans lequel elle marche est couvert d’une poussiere d’or, ou jonché des plus belles fleurs. Voyez Poétique, style.
Ce n’est pas tout, chaque genre de poésie a son ton & ses couleurs. Par exemple, les qualités principales qui conviennent au style épique sont la force, l’élégance, l’harmonie & le coloris.
Le style dramatique a pour regle générale de devoir être toujours conforme à l’état de celui qui parle. Un roi, un simple particulier, un commerçant, un laboureur, ne doivent point parler du même ton : mais ce n’est pas assez ; ces mêmes hommes sont dans la joie ou dans la douleur, dans l’espérance ou dans la crainte : cet état actuel doit donner encore une seconde conformation à leur style, laquelle sera fondée sur la premiere, comme cet état actuel est fondé sur l’habituel ; & c’est ce qu’on appelle la condition de la personne. Voyez Tragédie.
Pour ce qui regarde la comédie, c’est assez de dire que son style doit être simple, clair, familier, cependant jamais bas, ni rampant. Je sais bien que la comédie doit élever quelquefois son ton, mais dans ses plus grandes hardiesses elle ne s’oublie point ; elle est toujours ce qu’elle doit être. Si elle alloit jusqu’au tragique, elle seroit hors de ses limites : son style demande encore d’être assaissonné de pensées fines, délicates, & d’expressions plus vives qu’éclatantes.
Le style lyrique s’éleve comme un trait de flamme, & tient par sa chaleur au sentiment & au goût : il est tout rempli de l’enthousiasme que lui inspire l’objet présent à sa lyre ; ses images sont sublimes, & ses sentimens pleins de feu. De-là les termes riches, forts, hardis, les sons harmonieux, les figures brillantes, hyperboliques, & les tours singuliers de ce genre de poésie. Voyez Ode, Poésie lyrique & Poete lyrique.
Le style bucolique doit être sans apprêt, sans faste, doux, simple, naïf & gracieux dans ses descriptions. Voyez Pastorale, poésie.
Le style de l’apologue doit être simple, familier, riant, gracieux, naturel & naïf. La simplicité de ce style consiste à dire en peu de mots & avec les termes ordinaires tout ce qu’on veut dire. Il y a cependant des fables où la Fontaine prend l’essor ; mais cela ne lui arrive que quand les personnages ont de la grandeur & de la noblesse. D’ailleurs cette élévation ne détruit point la simplicité qui s’accorde, on ne peut mieux, avec la dignité. Le familier de l’apologue est un choix de ce qu’il y a de plus fin & de plus délicat dans le langage des conversations ; le riant est caractérisé par son opposition au sérieux, & le gracieux par son opposition au desagréable : sa majesté fourrée, une Hélene au beau plumage, sont du style riant. Le style gracieux peint les choses agréables avec tout l’agrément qu’elles peuvent recevoir. Les lapins s’égayoient, & de thim parfumoient leurs banquets. Le naturel est opposé en général au recherché, au forcé. Le naïf l’est au réfléchi, & semble n’appartenir qu’au sentiment, comme la fable de la laitiere.
Passons au style de la prose : il peut être périodique ou coupé dans tout genre d’ouvrage.
Le style périodique est celui où les propositions ou les phrases sont liées les unes aux autres, soit par le sens même, soit par des conjonctions.
Le style coupé est celui dont toutes les parties sont indépendantes & sans liaison réciproque. Un exemple suffira pour les deux especes.
Si M. de Turenne n’avoit sû que combattre & vaincre, s’il ne s’étoit élevé au-dessus des vertus humaines, si sa valeur & sa prudence n’avoient été animées d’un esprit de foi & de charité, je le mettrois au rang des Fabius & des Scipions.
Voilà une période qui a quatre membres, dont le sens est suspendu. Si M. de Turenne n’avoit sû que combattre & vaincre, &c. ce sens n’est pas achevé, parce que la conjonction si promet au-moins un second membre ; ainsi le style est là périodique. Le veut-on coupé, il suffit d’ôter la conjonction : M. de Turenne a su autre chose que combattre & vaincre, il s’est élevé au-dessus des vertus humaines ; sa valeur & sa prudence étoient animées d’un esprit de foi & de charité ; il est bien au-dessus des Fabius, des Scipions. Ou si l’on veut un autre exemple :
Il passe le Rhin, il observe les mouvemens des ennemis ; il releve le courage des alliés, &c.
Le style périodique a deux avantages sur le style coupé : le premier, qu’il est plus harmonieux ; le second, qu’il tient l’esprit en suspens. La période commencée, l’esprit de l’auditeur s’engage, & est obligé de suivre l’orateur jusqu’au point, sans quoi il perdroit le fruit de l’attention qu’il a donnée aux premiers mots. Cette suspension est très-agréable à l’auditeur, elle le tient toujours éveillé & en haleine.
Le style coupé a plus de vivacité & plus d’éclat : on les emploie tous deux tour-à-tour, suivant que la matiere l’exige. Mais cela ne suffit pas à-beaucoup près pour la perfection du style : il faut donc observer avant toutes choses que la même remarque que nous avons faite au sujet de la poésie, s’applique également à la prose, je veux dire que chaque genre d’ouvrage prosaïque demande le style qui lui est propre. Le style oratoire, le style historique & le style épistolaire ont chacun leurs regles, leur ton, & leurs lois particulieres.
Le style oratoire requiert un arrangement choisi des pensées & des expressions conformes au sujet qu’on doit traiter. Cet arrangement des mots & des pensées comprend toutes les especes de figures de rhétorique, & toutes les combinaisons qui peuvent produire l’harmonie & les nombres. Voyez Orateur, Orateurs grecs & romains, Elocution, Eloquence, Harmonie, Mélodie, Nombre , &c.
Le caractere principal du style historique, est la clarté. Les images brillantes figurent avec éclat dans l’histoire : elle peint les faits ; c’est le combat des Horaces & des Curiaces ; c’est la peste de Rome, l’arrivée d’Agrippine avec les cendres de Germanicus, ou Germanicus lui-même au lit de la mort. Elle peint les traits du corps, le caractere l’esprit, les mœurs. C’est Caton, Catilina, Pison : la simplicité sied bien au style de l’histoire ; c’est en ce point que César s’est montré le premier homme de son siecle. Il n’est point frisé, dit Cicéron, ni paré ni ajusté, mais il est plus beau que s’il l’étoit. Une des principales qualités du style historique, c’est d’être rapide ; enfin il doit être proportionné au sujet. Une histoire générale ne s’écrit pas du même ton qu’une histoire particuliere ; c’est presque un discours soutenu ; elle est plus périodique & plus nombreuse.
Le style épistolaire doit se conformer à la nature des lettres qu’on écrit. On peut distinguer deux sortes de lettres ; les unes philosophiques, où l’on traite d’une maniere libre quelque sujet littéraire ; les autres familieres, qui sont une espece de conversation entre les absens ; le style de celle-ci doit ressembler à celui d’un entretien, tel qu’on l’auroit avec la personne même si elle étoit présente. Dans les lettres philosophiques, il convient de s’élever quelquefois avec la matiere, suivant les circonstances. On écrit d’un style simple aux personnes les plus qualifiées au-dessus de nous ; on écrit à ses amis d’un style familier. Tout ce qui est familier est simple ; mais tout ce qui est simple n’est pas familier. Le caractere de simplicité se trouve sur-tout dans les lettres de madame de Maintenon : rien de si aisé, de si doux, de si naturel.
Le style épistolaire n’est point assujetti aux lois du discours oratoire : sa marche est sans contrainte : c’est le trop de nombres qui fait le défaut des lettres de Balzac. Il est une sorte de négligence qui plaît, de même qu’il y a des femmes à qui il sied bien de n’être point parées. Telle est l’élocution simple, agréable & touchante sans chercher à le paroître ; elle dédaigne la frisure, les perles, les diamans, le blanc, le rouge, & tout ce qui s’appelle fard & ornement étranger. La propreté seule, jointe aux graces naturelles, lui suffit pour se rendre agréable.
Le style épistolaire admet toutes les figures de mots & de pensées, mais il les admet à sa maniere. Il y a des métaphores pour tous les états ; les suspensions, les interrogations sont ici permises, parce que ces tours sont les expressions même de la nature.
Mais soit que vous écriviez une lettre, une histoire, une oraison, ou tout autre ouvrage, n’oubliez jamais d’être clair. La clarté de l’arrangement des paroles & des pensées, est la premiere qualité du style. On marche avec plaisir dans un beau jour, tous les objets se présentent agréablement ; mais lorsque le ciel s’obscurcit, il communique sa noirceur à tout ce qu’on trouve sur la route, & n’a rien qui dédommage de la fatigue du voyage.
A la clarté de votre style, joignez s’il se peut la noblesse & l’éclat ; c’est par-là que l’admiration commence à naître dans notre esprit. Ce fut par-là que Cicéron plaidant pour Cornélius, excita ces emportemens de joie & ces battemens de mains, dont le barreau retentit pour-lors ; mais l’état dont je parle doit se soutenir ; un éclair qui nous éblouit passe légerement devant les yeux, & nous laisse dans la tranquillité où nous étions auparavant ; un faux brillant nous surprend d’abord & nous agite ; mais bientôt après nous rentrons dans le calme, & nous avons honte d’avoir pris du clinquant pour de l’or.
Quoique la beauté du style dépende des ornemens dont on se sert pour l’embellir, il faut les ménager avec adresse ; car un style trop orné devient insipide ; il faut placer la parure de même qu’on place les perles & les diamans sur une robe que l’on veut enrichir avec goût.
Tâchez sur-tout d’avoir un style qui revête la couleur du sentiment, cette couleur consiste dans certains tours de phrase, de certaines figures qui rendent vos expressions touchantes. Si l’extérieur est triste, le style doit y répondre. Il doit toujours être conforme à la situation de celui qui parle.
Enfin il est une autre qualité du style qui enchante tout le monde, c’est la naïveté. Le style naïf ne prend que ce qui est né du sujet & des circonstances : le travail n’y paroît pas plus que s’il n’y en avoit point ; c’est le dicendi genus simplex, sincerum, nativum des Latins. La naïveté du style consiste dans le choix de certaines expressions simples qui paroissent nées d’elles-mêmes plutôt que choisies ; dans des constructions faites comme par hasard, dans certains tours rajeunis, & qui conservent encore un air de vieille mode. Il est donné à peu de gens d’avoir en partage la naïveté du style ; elle demande un goût naturel perfectionné par la lecture de nos vieux auteurs françois, d’un Amyot, par exemple, dont la naïveté du style est charmante.
Il paroît assez par tous ces détails, que les plus grands défauts du style sont d’être obscur, bas, empoulé, froid, ou toujours uniforme.
Un style qui est obscur & qui n’a point de clarté, est le plus grand vice de l’élocution, soit que l’obscurité vienne d’un mauvais arrangement de paroles, d’une construction louche & équivoque, ou d’une trop grande brieveté. Il faut, dit Quintilien, non seulement qu’on puisse nous entendre, mais qu’on ne puisse pas ne pas nous entendre ; la lumiere dans un écrit doit être comme celle du soleil dans l’univers, laquelle ne demande point d’attention pour être vue, il ne faut qu’ouvrir les yeux.
La bassesse du style, consiste principalement dans une diction vulgaire, grossiere, seche, qui rebute & dégoûte le lecteur.
Le style empoulé, n’est qu’une élévation vicieuse, il ressemble à la bouffissure des malades. Pour en connoître le ridicule, on peut lire le second chapitre de Longin, qui compare Clitarque, qui n’avoit que du vent dans ses écrits, à un homme qui ouvre une grande bouche pour souffler dans une petite flute. Ceux qui ont l’imagination vive tombent aisément dans l’enflure du style, ensorte qu’au-lieu de tonner, comme ils le croient, ils ne font que niaiser comme des enfans.
Le style froid vient tantôt de la stérilité, tantôt de l’intempérance des idées. Celui-là parle froidement, qui n’échauffe point notre ame, & qui ne sait point l’élever par la vigueur de ses idées & de ses expressions.
Le style trop uniforme nous assoupit & nous endort.
Voulez-vous du public mériter les amours, Sans cesse en écrivant variez vos discours ; Un style trop égal & toujours uniforme En vain brille à nos yeux, il faut qu’il nous endorme. On lit peu ces auteurs nés pour nous ennuyer, Qui toujours sur un ton semblent psalmodier.
La variété nécessaire en tout, l’est dans le discours plus qu’ailleurs. Il faut se défier de la monotonie du style, & savoir passer du grave au doux, du plaisant au sévere.
Enfin, si quelqu’un me demandoit la maniere de se former le style, je lui répondrois en deux mots, avec l’auteur des principes de littérature, qu’il faut premierement lire beaucoup & les meilleurs écrivains ; secondement, écrire soi-même & prendre un censeur judicieux ; troisiemement, imiter d’excellens modeles, & tâcher de leur ressembler.
Je voudrois encore que l’imitateur étudiât les hommes ; qu’il prît d’après nature des expressions qui soient non-seulement vraies, comme dans un portrait qui ressemble, mais vivantes & animées comme le modele même du portrait. Les Grecs avoient l’un & l’autre en partage, le génie pour les choses, & le talent de l’expression. Il n’y a jamais eu de peuple qui ait travaillé avec plus de goût & de style ; ils burinoient plutôt qu’ils ne peignoient, dit Denis d’Halycarnasse. On sait les efforts prodigieux que fit Démosthène, pour forger ces foudres, que Philippe redoutoit plus que toutes les flottes de la république d’Athènes. Platon à quatre-vingt ans polissoit encore ses dialogues. On trouva après sa mort, des corrections qu’il avoit faites à cet âge sur ses tablettes.
Littré
Par métonymie de l’instrument employé pour écrire à l’écriture elle-même, le langage considéré relativement à ce qu’il a de caractéristique ou de particulier pour la syntaxe et même pour le vocabulaire, dans ce qu’une personne dit, et surtout dans ce qu’elle écrit.
On connaît à ce style et doux et décevant,
Comme en l’art de trahir ton esprit est savant. [Tristan, La Marianne]
Du même style, sans changer de ton.
Vantez-nous bien du même style
Et les émigrés et Caton. [Chénier M. J. Épît. à Delille.]
Prendre même style, être sur le même ton.
Sa fleurette pour toi prend encor même style. [Corneille, Le menteur]
Se mettre sur le haut style, parler d’un ton ampoulé.
Madame… ce n’est point mon dessein de vous cajoler, ni de me mettre sur le haut style. [Guez de Balzac, Correspondance]
Les trois styles, le simple, le tempéré et le sublime.
Style magnifique, celui dont la grandeur vient de la pompe et de l’éclat des expressions.
Style sublime, style dont la grandeur vient de celle des pensées, que la simplicité de l’expression fait surtout ressortir.
Style barbare, manière d’écrire grossière et incorrecte.
Il n’a point de style, il n’a point une manière d’écrire qui soit à lui, et aussi il écrit sans art.
Les finesses, les grâces du style, certains arrangements, certains tours qui donnent de la grâce, de la finesse au style.
Rien de plus difficile que les grâces ; celles du style consistent dans l’aisance, la souplesse, la variété de ses mouvements, et dans le passage naturel et facile de l’un à l’autre. [Marmontel, Œuv. t. x, p. 221]
Style de l’Écriture, les expressions, les formes de langage usitées dans la Bible.
Style du palais, les formules selon lesquelles on dresse les actes judiciaires.
Style de palais, les termes dont on ne se sert que dans les procédures et les plaidoiries.
On dit de même : style de pratique, style de notaire, style de chancellerie, etc.
On dit, en langage de pratique, clause de style, pour clause que les notaires mettent par habitude dans leurs actes, sans que cela tire à conséquence spéciale.
Fig.
Qui ne sait que, dans le maudit pays où nous écrivons [la France], ces sortes de phrases sont de style de notaire, et ne servent que de passe-port aux vérités qu’on veut établir d’ailleurs ? [D’Alembert, Lett. à Voltaire, 10 oct. 1764]
Fig. Réduire en style, réduire en vaines formules.
Il y a des conjonctures dans lesquelles on réduit en style l’obéissance réelle que l’on doit aux rois. [Retz, 2, 140]
Ce n’est qu’un style, ce n’est qu’une simple formule.
C’est avec Auguste qu’il n’y a plus de mesure ; le sénat lui décerne l’apothéose de son vivant ; cette flatterie devient le tribut ordinaire payé aux empereurs suivants ; ce n’est plus qu’un style. [Voltaire, Dictionnaire philosophique]
5. Terme de beaux-arts. Caractère de la composition et de l’exécution. Cette peinture est de bon style.
Ayez d’abord la pensée, et vous aurez du style après. [Diderot, Salons de peinture]
Il se dit de la danse dans le même sens.
Si j’étais chargé de la conduite d’un jeune danseur en qui j’aurais aperçu de l’intelligence, quelque amour pour la gloire et un véritable talent, je lui dirais : commencez par avoir un style, mais prenez garde que ce style soit à vous. [Cahusac, Dans. anc. et mod. III, 4, 8]
Absolument. Style l’art d’ennoblir le vrai, et de l’achever en le revêtant d’une apparence nettement caractéristique.
Style s’emploie aussi pour désigner le style grec, c’est-à-dire la grandeur obtenue par la simplicité des détails.
Caractère général des œuvres des artistes d’une même époque.
Particulièrement, caractère général des œuvres d’un artiste. Ce tableau est dans le style de tel maître.
On avertirait bien les jeunes peintres de ne pas imiter Antoine Coypel, parce qu’avec du mérite il avait un style vicieux, mais… [Levesque, Instit. Mém. litt. et beaux-arts, t. I, p. 416]