Définitions

Ajouter une définition

325 av. J.-C. : Aristote

De Arte Rhetorica (1550)

Aristote, De Arte Rhetorica libri tres, trad. lat. Marcantonio Majoragio (1514-1555? 1e éd. d'extraits : Paolo Beni 1524? 1e éd. intégrale 1550), Padoue, Presses du Séminaire, 1689, liber II, caput V, « De Timore, & confidentia; itemque de arte hos affectus excitandi », p. 195-201.

Consulter

325 av. J.-C. : Aristote

Rhétorique (1654)

Aristote, Rhétorique, trad. François Cassandre, 1re éd. 1654, La Haye, Isaac Vaillant, 1718, livre second, chap. V, « De la Crainte et de l'Assurance », p. 206-213.

Consulter

Dictionnaires et encyclopédies

Furetière

Peur, mouvement de l’ame qui nous fait apprehender un mal qui nous menace. Les hommes vivent toûjours entre la crainte et l’esperance. Les ames basses font plustost les choses par crainte, que par amour. Il y a une crainte servile, et une crainte reverentielle, qui est celle des enfans envers leurs peres, d’une femme envers son mary. Les plus grands Saints ont vescu dans la crainte de Dieu. Veillez et priez, de crainte d’entrer en tentation. Les contracts faits par crainte sont nuls, pourveu que la crainte soit capable d’ébranler une personne de courage.

 

Encyclopédie

[Jaucourt]

[Morale]

C’est en général un mouvement inquiet, occasionné dans l’ame par la vûe d’un mal à venir. Celle qui naît par amour de notre conservation, de l’idée d’un danger ou d’un péril prochain, je la nomme peur. Voyez Peur.

 

Ainsi la crainte est cette agitation, cette inquiétude de notre ame quand nous pensons à un mal futur quelconque qui peut nous arriver ; c’est une émotion desagréable, triste, amere, qui nous porte à croire que nous n’obtiendrons pas un bien que nous desirons, & qui nous fait redouter un accident, un mal qui nous menace, & même un mal qui ne nous menace pas, car il regne ici souvent du délire. Un état si fâcheux affecte servilement à quelques égards plus ou moins tous les hommes, & produit la cruauté dans les tyrans.

 

Cette passion superstitieuse se sert de l’instabilité des évenemens futurs pour séduire l’esprit dont elle s’empare, pour y jetter le trouble & l’effroi. Prévenant en idée les malheurs qu’elle suppose, elle les multiplie, elle les exagere, & le mal qu’elle appréhende luit toûjours à ses yeux.

Elle nous tourmente, dit Charron, avec des marques de maux, comme l’on fait des fées aux petits enfans ; maux qui ne sont souvent maux que parce nous les jugeons tels.

La frayeur que nous en avons les réalise, & tire de notre bien même des raisons pour nous en affliger. Combien de gens qui sont devenus misérables de peur de tomber dans la misere, malades de peur de l’être ? Source féconde de chagrins, elle n’y met point de bornes ni d’adoucissement. Les autres maux se ressentent pendant qu’ils existent, & la peine ne dure qu’autant que dure la cause : mais la crainte s’étend sur le passé, sur le présent, sur l’avenir qui n’est point, & qui peut-être ne sera jamais. Ennemie de notre repos, non-seulement elle ne connoît que le mal, souvent à fausses enseignes, mais elle écarte, elle anéantit, pour ainsi dire, les biens réels dont nous joüissons, & se plaît à corrompre toutes les douceurs de la vie. Voilà donc une passion ingénieusement tyrannique, qui loin de prendre le miel des fleurs, n’en suce que l’amertume, & court de gayeté de cœur au-devant des tristes songes dont elle est travaillée.

 

Ce n’est pas tout de dire qu’elle empoisonne le bonheur de l’homme, il faut ajoûter qu’elle lui est à jamais inutile. Je sai que quelques gens la regardent comme la fille de la prudence, la mere de la précaution, & par conséquent de la sûreté. Mais y a-t-il rien de si sujet à être trompé que la prudence ? mais cette prudence ne peut-elle pas être tranquille ? mais la précaution ne peut-elle pas avoir lieu sans mouvemens de frayeur, par une ferme & sage conduite ? Convenons que la crainte ne sauroit trouver d’apologie ; & je dirois presque, avec mademoiselle Scudery, qu’il n’y a que la crainte de l’amour qui soit permise & loüable.

 

Celle que nous venons de dépeindre, a son origine dans le caractere, dans la vivacité inquiete, la défiance, la mélancholie, la prudence pusillanime, le manque de nerf dans l’esprit, l’éducation, l’exemple, &c.

 

Il faut de bonne heure rectifier ces malheureuses sources par de fortes réflexions sur la nature des biens & des maux ; sur l’incertitude des évenemens, qui font naître quelquefois notre salut des causes dont nous attendions notre ruine ; sur l’inutilité de cette passion ; sur les peines d’esprit qui l’accompagnent, & sur les inconvéniens de s’y livrer. Si le peu de fondement de nos craintes n’empêche pas qu’elles soient attachées aux infirmités de notre nature ; si leurs tristes suites prouvent combien elles sont dangereuses, quel avantage n’ont point les hommes philosophes qui les foulent aux piés ? Ceux à qui l’imagination ne fait point appréhender tout ce qui est contingent & possible, ne gagnent-ils pas beaucoup à penser si sagement ? Ils ne souffrent du moins que ce qui est déterminé par le présent, & ils peuvent alléger leurs souffrances par mille bonnes réflexions. Essayons donc notre courage à ce qui peut nous arriver de plus fâcheux ; défions les malheurs par notre façon de penser, & saisissons les armes de la fortune : enfin, comme la plus grande crainte, la plus difficile à combattre, est celle de la mort, accoûtumons-nous à considérer que le moment de notre naissance est le premier pas qui nous mene à la destruction, & que le dernier pas, c’est celui du repos. L’intervalle qui les sépare, n’est qu’un point, eu égard à la durée des êtres qui est immense. Si c’est dans ce point que l’homme craint, s’inquiete, & se tourmente sans cesse, on peut bien dire que sa raison n’en a fait qu’un fou.

 

[Boucher d’Argis]

[Jurisprudence]

On en distingue en Droit de deux sortes, la crainte grave & la crainte legere.

 

La crainte grave, qu’on appelle metus cadens in constantem virum, est celle qui ne vient point de pusillanimité, mais qui est capable d’ébranler l’homme courageux ; comme la crainte de la mort, de la captivité, de la perte de ses biens.

 

La crainte legere est celle qui se rencontre dans l’esprit de quelque personne timide, & pour un sujet qui n’ébranleroit point un homme courageux ; comme la crainte de déplaire à quelqu’un, d’encourir sa disgrace.

 

On met au rang des craintes legeres, la crainte révérentielle, telle que la déférence qu’une femme peut avoir pour son mari, le respect qu’un enfant a pour ses pere & mere, & autres ascendans, soit en directe ou collatérale ; celui que l’on doit avoir pour ses supérieurs, & notamment pour les personnes constituées en dignité ; la soûmission des domestiques envers leurs maîtres, & autres semblables considérations qui ne sont pas réputées capables d’ôter la liberté d’esprit nécessaire, pour donner un consentement valable, à moins qu’elles ne soient accompagnées d’autres circonstances qui puissent avoir fait une impression plus forte : ainsi le consentement qu’un fils donne au mariage que son pere lui propose, ne laisse pas d’être valable, quand même il seroit prouvé que ce mariage n’étoit pas du goût du fils, voluntas enim remissa tamen voluntas est.

 

Les lois romaines nous donnent encore plusieurs exemples de craintes graves & legeres. Elles décident que la crainte de la prison est juste, & que la promesse qui est faite dans un tel lieu, est nulle de plein droit. Parmi nous, une promesse qui seroit faite pour éviter la prison, seroit en effet nulle ; mais celui qui est déjà constitué prisonnier, peut s’obliger en prison, pourvû que ce soit sans contrainte : on observe seulement de le faire venir entre deux guichets, comme étant réputés lieu de liberté.

 

La crainte d’un procès mû ou à mouvoir, ne vitie pas la stipulation ; il en est de même de l’appréhension que quelqu’un a d’être nommé à des charges publiques & de police ; ce qui est fait pour obéir à justice, n’est pas non plus censé fait par crainte. Mais lorsqu’il y a du danger de la vie, ou que l’on est menacé de subir quelque peine corporelle, c’en est assez pour la rescision d’un acte, fût-ce même une transaction.

 

Un nouveau consentement, ou une ratification de l’acte, répare le vice que la crainte y avoit apporté.

 

Chez les Romains, aucun laps de tems ne validoit un acte qui avoit été fait par une crainte grave ; mais dans notre usage il faut reclamer dans les dix années du jour qu’on a été en liberté de le faire, autrement on n’y est plus recevable. Voyez au ff. 4. tit. ij. l. 21. tit. jv. l. 22. au code 8. tit. xxxviij. l. 9. & liv. II. tit. jv. l. 13. tit. xx. l. 4. & l. 8.

 

Littré

1. Sentiment par lequel on craint.

Ôter de crainte. [Voiture, Lettres]

 

2. Sentiment de crainte respectueuse. La crainte de Dieu. Crainte filiale.

Celui-ci avait la crainte des dieux. [Fénelon, Télémaque]

 

Terme de droit. Crainte révérencielle, synonyme de crainte filiale ou respectueuse. Crainte servile, celle qui naît de la seule appréhension du châtiment. Crainte grave, celle qui est capable d’ébranler même une âme forte, comme la crainte de la mort. Une crainte grave suffit pour annuler un contrat. On dit par opposition : crainte légère.

 

3. Sentiment d’un respect mal placé.