TROPUS / TROPE
Avantages particuliers des Tropes.
Les Tropes ont tous les avantages, & produisent tous les effets que nous avons reconnus dans les Figures de Rhétorique, dont ils font partie. Mais celui qui leur est propre singuliérement, & qui découle immédiatement de leur définition, c’est qu’ils donnent le moyen de varier le style ; & d’enrichir la langue. Ils changent, avons-nous dit, la signification naturelle & originale des mots, & ils les appliquent à d’autres usages. Ainsi ils procurent la facilité de répéter la même idée, sans fatiguer l’oreille par la répétition du même son : ils varient le discours. Un mot, qui par son institution primitive étoit destiné à exprimer telle idée, parvient, à l’aide du Trope, à en représenter d’autres, qui ont d’ailleurs leurs noms propres & naturels. Ainsi la langue est enrichie, & se trouve avoir une abondance de mots pour signifier une seule & même idée. Cheval est le nom propre de cet animal si utile à l’homme, & dont nous tirons tant de services différens. Dans la description d’une armée, cent chevaux signifient cent cavaliers. Nous disons vingt voiles pour vingt vaisseaux, feu pour activité, amour : & ainsi d’un très-grand nombre d’autres mots.
Abus des Tropes.
Il n’est pas besoin d’avertir que l’on peut hasarder des changemens de signification qui soient vicieux, & que ces expressions bisarres ne doivent point être décorées du nom de Tropes ; mais appellées de leur vrai nom, barbarismes, impropriétés, langage louche, faux, ou obscur. Quand il plut à un Poëte du tems d’Horace, de dire que Jupiter crachoit la neige sur les Alpes,
Jupiter hibernas canâ nive conspuit Alpes.
on sent bien que cette façon de parler est choquante par sa bassesse. Le Trope est un nom de vertu dans le discours.
On distingue communément quatre principaux Tropes, la Métaphore, la Métonymie, la Synecdoche, & l’Ironie. J’y joindrai l’Antonomase.