Richesource, 1665 : L’Éloquence de la chaire

Définition publiée par Clara Delaveau

Jean Oudart de Richesource, L’Éloquence de la chaire ou la Rhétorique des prédicateurs (1665), Paris, à l’académie des orateurs, 1673, p. 298-300.

 CHAPITRE XXVI. Des Figures du Sermon.

 

[...]

Du Trope. Article II.

 

LE Trope ou l’enprunt de paroles se fait lors que les Predicateurs enploient dans leurs Sermons des façons de parler ou des Dictions qu’ils tirent des autres Disciplines ou Systêmes honêtes, quelles qu’elles puissent estre qui sont dans la Cyclopedie.

De tous les Enpruns de paroles, qu’on apelle Tropes, il n’en est aucun qui ait plus d’usage chez les Predicateurs que la Metaphore, parce qu’elle est plus propre qu’aucun autre pour les agréemens & pour les mouvemens. [ p. 330 ]

Comme. Mais enfin, Chrétiens, est-ce que vous ne vous lasserez jamais de sacrifier au monde, à l’ambition, au luxe, à la vanité & à tous ses desordres ? Est une maniere de parler figurée ou enpruntée & Metaphorique qui donne un air plus agreable & plus divertissant que de dire sinplement, Mais enfin, Chrétiens, ne quiterez-vous point vos mauvaises habitudes ? Serez-vous toujours avares ? Serez-vous tousiours luxurieux, &c.

Si les Predicateurs preferent les Metaphores aux autres especes de transports ou d’enpruns de paroles, comme sont.

  • La Metonymie.

  • La Synedoche.

  • L’Ironie, &c.

A cause qu’elles ont plus de graces que les autres enpruns ; il est de leur prudence de prendre garde qu’elles ne soient pas tirées de trop loin, ni forcées, ni dures, ny basses, ni communes ou triviales, ni de peu de consequence ; parce que si celles qui sont justes contribuent beaucoup à la devotion & à la pieté, celles qui sont irregulieres y prejudicient infiniment, & d’autant plus qu’ëtant irregulieres elles privent les Predicateurs des raports qui se trouvant entre les termes metaphoriques & les metaphorisez, comme il se peut voir dans celle du Sacrifice, au sujet d’une fille qui s’ofriroit en sacrifice à Dieu par le vœu de chasteté, en disant. L’Histoire sainte nous aprend que dans les sacrifices que l’on ofroit à Dieu, la Victime des Holocaustes soufroit trois violences qui consommoient le sacrifice.

1. Elle estoit liée sur l’Autel.

2. Elle estoit divisée.

3. Elle estoit consumée.

Ainsi Madame, vous voiez à quoi vous vous engagez.

1. Il faut que vous soiez liée sur les Autels de la Virginité.

2. Il faut que vous soiez divisée de vous-méme.

3. Il faut enfin que vous soiez consumée dans le feu de la Charité & de l’amour divin, &c. [ p. 331 ]

Cependant les Predicateurs doivent prendre garde, sur tout, que leurs Sermons n’excedent dans l’usage des Metaphores, & qu’ils ne deviennent tout à fait Metaphoriques, c’est à dire Allegoriques & trop enpruntez, ce style n’est pas à l’usage de la Chaire du Christianisme, comme autresfois chez les Payens, qui sous des figures & allegories, enseignoient les plus belles veritez, comme sont les Fables, les Apologues, les Enblêmes, les Paraboles, &c. & ils doivent se souvenir qu’il faut faire de plus belles Figures dams le discours & de plus beaux ornemens, pour plaire à l’esprit, ce que l’on fait, dans les alimens, pour exciter l’apetit, des pointes & des ragouts, qui doivent estre épargnez, & aussi de la Maxime, Optimorum corruptio pessima. C’est l’advis du Phil. au 3. de sa Rhet. 2.