ADHORTATIO / EXHORTATION
DE L’EXHORTATION.
Cette figure consiste à faire un amas de raisons pathetiques, & à les débiter de telle sorte qu’il y ait peu de distance entre la fin des unes & le commencement des autres.
Exemple.
Ne differez point de vous convertir puis que l’heure de vostre negligence peut-estre l’heure de vostre mort? Dégagez-vous du monde, puis que le monde est un trompeur, & qu’il est impossible de faire sa volonté, & de faire son devoir. Renoncez aux voluptez, puis qu’elles orgueillissent la chair, & qu’elles abrutissent l’esprit, qu’on ne peut gouster les délices du Ciel qu’on ne gouste les amertumes de la terre.
Autre exemple.
Ceux qui ont essuyé les premiers coups doivent tenter les derniers efforts: la fin du combat est le commencement de la gloire. Vostre corps sera bien tost separé de vostre ame, mais vostre ame sera bien tost unie à Dieu: C’est par cette mort qn’on s’immortalise: c’est par cette desfaite qu’on triomphe. Courage donc glorieuse victime, le sang du Seigneur demande auiourd’huy le vostre, il est raisonnable qu’un creancier infiniment obligeant, trouve un débiteur extrémement soûmis.
Autre exemple.
Quoy? vous sçavez l’histoire, & vous n’apprehendez pas de voir un sexe qui a esté l’invective de toute l’antiquité! Et surquoy fondez-vous vostre hardiesser Les beaux visages ont-ils de foibles appas? Pouvez-vous estre jeune & sociable, & estre à l’épreuve des objets les plus tentatifs? Je sçay bien que la raison a plus ou moins d’empire; Qu’il y a des chastes, & des vierges: Mais si l’experience & la lecture nous apprennent qué lé nombre des purs est fort petit, & que ceux dont je parle, doivent leur gloire à leur fuitte, quelles raisons pouvez vous alleguer qui puissent excuser vostre galanterie? quels pretextes pouuez vous mettre en avant qui puissent colorer vostre superbe? Representez-vous que les femmes ont esté fatales aux plus grands hommes: qu’elles font vanité d’estre aimées, qu’elles projettent l’assujettissement de ceux qui les approchent, qu elles compassent les moyens à leur but, & qu’au deffaut des advantages de la nature, elles employent le fard & la feintise, le luxe, & l’affetterie. Representez-vous encores qu’on les possede, ou qu’on ne les possede pas, que leurs refus dérobent le repos, & irritent la passion, & que si on les possede, leurs lasciverez enchantent la fantaisie, & amortissent la vigueur: Qu’il n’y a pas moins de foiblesse à s’attacher aux femmes du monde, qu’il y a de danger à les voir, qu’elles ruïnent ce qu’elles abandonnent, qu’elles enlaidissent, ce qu’elles prostituent, & que comme elles concourent avec le temps, à la perte de leur beauté, elles concourent auec nostre aveuglement à la naissance de nostre confusion: Qu’elles ne peuvent reparer par l’artifice ce qu’elles gastent par le déreglement, qu’elles deviennent molles & usées, que ceux qui les ont odorées les méconnoissent, & que dans le honteux estat où on les voit, on rougit de les avoir veuës. Representez-vous enfin, que les voluptez charnelles sont des voluptez de bestes, qu’il y a tres-peu de distance entre leur naissance & leur mort, & que leur frequent usage est extrémement nuisible: Qu’elles recherchent la solitude: qu’elles aiment les tenebres, qu’elles sont bastardes & malignes, cuisantes & douloureuses, & qu’à considerer leurs veritable circonstances, on peut dire que l’erreur les precede, que le trouble les accompagne, & que le repentir les suit. Si ces raisons sont incapables de vous mortifier, écoutez les Oracles du Christianisme, soyez attentif à leurs remonstrances, apprenez d’eux que la beatitude surnaturelle est la recompense des actions violentes, que le Seigneur est jaloux: qu’un amour partagé est un amour criminel, & qu’il est impossible de flatter son corps, & de sauver son ame.