Joseph de Jouvancy, 1710 : Candidatus rhetoricae

Définition publiée par Mattana-Basset

Joseph de Jouvancy, L’Élève de rhétorique (Candidatus rhetoricae, 1e éd. 1710, 1e trad. 1892), édité par les équipes RARE et STIH sous la direction de D. Denis et Fr. Goyet, Paris, Classiques Garnier, 2019, troisième partie, "De l'élocution", chap. II, "Des figures", art. I, "Des Figures de Mots", §1. "Des Tropes", p. 170-175. 

Définition publiée par RARE, le 31 mai 2020

§ 1. Des Tropes

 

Qu’est-ce qu’un Trope ? R. C’est un mot dont la signification propre est transportée, comme nous l’avons dit, à une signification étrangère, ou bien, ainsi que le dit Cicéron, c’est un mot changé et détourné de sa signification propre < ou encore, comme le dit Quintilien, « emprunté ». De plus, à partir de cette définition, « un mot dont la signification propre est transportée à une signification étrangère », si cela se fait à cause de quelque similitude et proportion entre les deux termes, c’est une Métaphore ; si cela se fait à cause d’une opposition et dissimilitude, c’est une Ironie, que certains comptent au nombre des figures de pensée, ce qui est plus discutable ; si cela se fait à cause d’une conjonction essentielle, au sens où l’un des deux termes est l’essence de l’autre, c’est une Synecdoque ; enfin, si cela se fait à cause d’une conjonction moins stricte, cela s’appelle une Métonymie. Les tropes se résument à ces quatre espèces, du moins pour les critiques qui les définissent en toute rigueur. La position des autres théoriciens est que la distinction pertinente est entre tropes qui se font en un seul mot et tropes qui se font en plusieurs mots. > 

Combien y a-t-il de tropes dépendant d’un seul mot ? R. Sept : la Métaphore, la Synecdoque, la Métonymie, l’Antonomase, l’Onomatopée, la Catachrèse, la Métalepse.

La Métaphore. C’est une figure où l’on transporte la signification propre d’un mot à une autre signification qui ne lui convient qu’en vertu d’une comparaison sous-entendue. Ainsi : homme enflammé de colère. Le mot enflammé ne convient qu’au feu, et sa signification est transportée à l’homme, à qui elle est étrangère, car, à proprement parler, l’homme n’est pas enflammé.

La Synecdoque. Elle a lieu : 1° quand on prend la partie pour le tout, comme proue pour signifier navire ; 2° ou le tout pour la partie, comme source pour dire l’eau ; 3° ou le nom de la matière pour le nom de la chose qui en est faite, comme fer pour signifier épée ; 4° ou l’antécédent pour le conséquent, comme « les bœufs sont ramenés à l’étable par les laboureurs », pour signifier « la nuit approche ».

La Métonymie, ou changement de nom, quand on prend la cause pour l’effet, et l’effet pour la cause, ainsi : Cérès pour signifier le pain ; Bacchus pour le vin ; parce que Cérès et Bacchus sont les personnifications du blé et du vin.

L’Antonomase ou un nom pour un autre > a lieu quand on prend un nom commun pour un nom propre, et réciproquement ; comme « le destructeur de Carthage », pour « Scipion l’Africain » qui a détruit Carthage.

L’Onomatopée ou création de mot a lieu quand le son de la prononciation d’un mot imite la chose qu’il représente ; ainsi, en prononçant le mot mugissement on émet un son semblable à celui du bœuf quand il crie.

La Catachrèse ou extensionabus d’un mot. Cette figure a lieu quand on se sert du nom d’une chose pour signifier une autre chose ayant des rapports avec elle. Ainsi : on appelle « parricide » celui qui a tué son père ou sa mère ; mais, quand il s’agit de la mère, on devrait, à proprement parler, appeler ce crime matricide.

La Métalepse a lieu quand on fait entendre une chose par une autre qui la précède. Ainsi : « après quelques récoltes, je serai étonné en revoyant mon royaume », – c’est-à-dire « après quelques années », « récoltes » signifie « années », car on compte les années par les récoltes.

Combien y a-t-il de tropes en plusieurs mots ? R. Quatre : l’Allégorie, la Périphrase, l’Hyperbate et l’Hyperbole.

L’Allégorie a lieu quand on fait concevoir une chose, à l’aide d’une autre, avec laquelle elle a de la ressemblance. Ainsi, après de grandes tempêtes, vint le naufrage de tous ses biens, ce qui veut dire qu’après avoir bravé de grands dangers, il perdit tout ce qu’il possédait.

La Périphrase ou circonlocution. Elle a lieu quand on développe en une longue phrase ce qui peut être dit en peu de mots. Ainsi : celui dont vous avez reçu la vie, c’est-à-dire votre père.

L’Hyperbate ou bouleversement. C’est une figure où l’ordre des mots est troublé ; ainsi, qua de re pour de qua reme cum pour cum me.

L’Hyperbole ou exagération < ou encore excès >. Cette figure consiste à amplifier, à exagérer les choses pour faire plus d’impression : comme plus blanc que la neigeplus rapide que le vent.