TROPUS / TROPE
CHAPITRE II. Il n'y a point de langue assez riche et assez abondante pour fournir des termes capables d'exprimer toutes les différentes faces sous lesquelles l'esprit peut se représenter une même chose. Il faut avoir recours à de certaines façons de parler qu'on appelle tropes, dont on explique ici la nature et l'invention.
Quand pour signifier une chose on se sert d'un mot qui ne lui est pas propre, et que l'usage avait appliqué à un autre sujet ; cette manière de s'expliquer est figurée ; et ces mots qu'on transporte de la chose qu'ils signifient proprement, à une autre qu'ils ne signifient qu'indirectement, sont appelés tropes ; c'est-à-dire, termes dont on change et on renverse l'usage, comme ce nom trope, qui est grec, le fait assez connaître, verto. Les tropes ne signifient les choses à quoi on les applique, qu'à cause de la liaison et du rapport que ces choses ont avec celles dont ils sont le propre nom ; c'est pourquoi on pourrait compter autant d'espèces de tropes, que l'on peut marquer de différents rapports ; mais il a plu aux premiers maîtres de l'art de n'en établir qu'un petit nombre.