Bernard Lamy, 1712 : La Rhétorique ou l’Art de parler

Définition publiée par Barbero Valenitne

Bernard Lamy, La Rhétorique ou l’Art de parler (5ème éd., 1712), éd. Ch. Noille-Clauzade (1998), Paris, Florentin Delaulne, 1715, p.126

 

CHAPITRE III. Liste des espèces de tropes qui sont les plus considérables.

IRONIE.

Ironie est un trope par lequel on dit tout le contraire de ce que l'on pense ; comme quand on appelle homme de bien une personne dont les vices sont connus. Le ton de la voix avec lequel on prononce ordinairement les ironies, et la qualité de la personne à qui on sait que le titre qu'on lui donne ne convient pas, font connaître la pensée de celui qui parle, comme lorsque le Prophète Elie disait aux prêtres de l'idole de Baal, qui invoquaient à haute voix cette idole qui ne les pouvait entendre : Criez plus haut ; car votre Dieu Baal parle peut-être à quelqu'un ; ou il est en chemin, ou dans une hôtellerie : il dort peut-être, et il a besoin qu'on le réveille. L'effet de l'ironie c'est de faire faire attention à la bassesse de celui qu'on veut faire mépriser, en lui donnant des louanges, et en disant des choses qui ne lui conviennent point, et ne font que préparer à sentir sa bassesse. Ce serait un mensonge que l'ironie, si le faux à sa faveur ne devenait vrai, dit un célèbre auteur. C'est elle qui a introduit ce que nous appelons contre-vérité, et qui fait que quand on dit d'une femme libertine et scandaleuse, que c'est une très honnête personne ; tout le monde entend ce qu'on dit, ou plutôt ce qu'on ne dit pas, intellegitur quod non dicitur. Les contre-vérités sont ce que les anciens rhéteurs nommaient antiphrases.