Un commentateur : M. A. Ferrazzi
Trois commentaires rhétoriques ont pu être attribués à un même auteur, Marco Antonio Ferrazzi (1661-1748), préfet des études qui a rénové le Séminaire avec l’appui très fort du cardinal de Padoue.
Le professeur de rhétorique a, en terre d’Empire (Allemagne), un statut comparable à celui des actuels professeurs d’Université. Le séminaire de Padoue est en compétition avec l’Université prestigieuse de la même ville, pas avec les petites classes. L’institution est alors dirigée par le cardinal Gregorio Barbarigo (1625-1697), personnage très important qui fut un papabile et a ensuite été canonisé. Le cardinal a dès le début un intérêt puissant pour la rhétorique, qui lui paraît indispensable pour la formation des futurs prêtres. L’un de ses gestes de rénovateur des études est la fondation en 1680 des Presses du Séminaire, qu’il confie ultérieurement à Giovanni Manfrè. Un autre geste est donc de confier la charge-clé de préfet des études à un jeune homme de moins de trente ans : son nom est, selon la graphie vénitienne, Marco Antonio Ferrazzi, en latin Ferraccius ou Ferratius.
Repéré à treize ans par le cardinal, M. A. Ferrazzi devient professeur d’hébreu au Séminaire de Padoue en 1683, à vingt-deux ans, puis préfet des études en 1687 ou 1688. Avec cette nouvelle fonction, le cardinal l’a clairement chargé de réformer et dynamiser le cursus, et c’est mû par cette ambition que Ferrazzi rédige alors ses trois commentaires rhétoriques. Mais son zèle de réformateur est tel que ses collègues, excédés, obtiennent sa disgrâce en 1692 ― il est alors nommé chanoine à Monselice.
Derrière l’inconnu Ferrazzi, nous entrevoyons un puissant mouvement de réforme des études, porté de bout en bout par un cardinal d’envergure, qui sera canonisé et dont le modèle est à l’évidence Charles Borromée, le saint évêque de Milan au tournant des XVIe et XVIIe siècles. Le cardinal Barbarigo est très attentif à son Séminaire, qu’il appelle l’âme de son âme, ou plus exactement « le cœur de son cœur ». La rhétorique est donc le cœur du cœur de son cœur, l’élément fondamental d’une préparation à la prêtrise.
L’ambition réformatrice de Barbarigo est ce qui motive à son tour la folie Ferrazzi. Car Ferrazzi est à la fois un réformateur et un maître. Preuve en est est ses trois éditions successives d’exercices de rhétorique, sur les discours de Tite-Live (1694, dix rééditions de 1707 à 1710), sur l’Enéide (également 1694, là aussi de nombreuses rééditions), et enfin, plus tardivement, la somme de toute une vie, ses commentaires des Discours de Cicéron (1729).
Ce sont ces trois commentaires qui sont édités sur Schola-rhetorica.
Francis GOYET